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Jean-Marc Ayrault : "Ecologistes et socialistes continueront de s’entendre sur l’essentiel"
mercredi, 17 mars 2010 / Julien Kostrèche

Le député-maire de Nantes et président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale revient sur les résultats de la gauche au premier tour des régionales et relativise les discordes entres socialistes et écologistes, comme le désaccord sur le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Terra eco : Etes-vous satisfait de l’accord passé entre le Parti socialiste et Europe Écologie pour le second tour des régionales ?

Jean-Marc Ayrault : « Je suis d’abord satisfait des résultats obtenus par la gauche en France et en particulier dans ma région, les Pays de la Loire, où la droite reste historiquement forte et le centre bien ancré. Ça prouve que Jacques Auxiette [1], a bien labouré le terrain et que la gauche est en train de s’enraciner. Et pourtant François Fillon n’a pas ménagé sa peine : le Premier ministre s’est déplacé pas moins de quatre fois dans la région pendant la campagne. Mais même en Sarthe, son bastion, c’est le PS qui est arrivé en tête. Cela prouve bien que nous avons assisté à un vote sanction des Français dimanche dernier, l’abstention étant d’ailleurs à mes yeux une autre forme de sanction. Dans ce contexte je tiens à souligner que le vote des milieux populaires, même s’il reste faible, a été plus important lors de ce scrutin, comparé aux dernières élections, et qu’il a joué en faveur de la gauche. »

Dans un récent entretien accordé à Terra eco, Daniel Cohn-Bendit place volontiers l’écologie au-delà du clivage droite-gauche, pourtant il n’a pas fallu longtemps pour qu’Europe Écologie s’allie avec le PS. Qu’en pensez-vous ?

« Je crois que notre alliance avec Europe Écologie est une bonne chose, on voulait d’ailleurs la faire dès le premier tour pour limiter le risque d’un retour de la droite. Il y a un courant de l’écologie politique qui est en train de se structurer, mais il garde ses fragilités, ses contradictions. La question du développement économique ou de la promotion sociale en sont deux exemples : certains écologistes sont partisans de la décroissance alors que d’autres défendent une croissance mesurée, comme le PS. »

Justement, ne craignez vous pas que certains électeurs écologistes préfèrent s’abstenir plutôt que de donner leurs voix au PS au second tour ?

« Il y a sans doute une partie des électeurs qui votent écologiste et ne se sentent pas de gauche. Je voudrais leur dire que si on veut un modèle de développement durable, ce qui signifie aussi un développement économique accompagné d’un partage des richesses et d’une plus grande cohésion sociale, le PS est le mieux placé. Rappelons que le salaire médian en France est aujourd’hui de 1 600 euros. On va vu cet hiver que beaucoup de gens vivaient en situation de précarité énergétique. J’ai été frappé aussi des conclusions du rapport du médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, qui estime à 15 millions les personnes en France dont les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près. Pour être efficace, l’’écologie doit être sociale. »

Au plan national, on n’entend pas beaucoup le PS sur le thème du développement durable, sauf quand il s’agit de prendre ses distances avec la taxe carbone. A quand une voix écologiste audible au PS ? Et pourquoi pas vous ?

« A Lille ou à Nantes, nous travaillons à construire un projet de social-écologie à dimension européenne. Martine Aubry, pas plus que moi ou les autres élus socialistes, ne découvrent le thème du développement durable. Il est déjà à l’œuvre dans nos villes et nos régions. La gauche à vocation à porter ce projet au niveau national parce qu’elle le pratique déjà en dirigeant les pouvoirs locaux. Vous savez, plutôt que d’avoir un représentant d’un courant qui resterait minoritaire, je préfère que le développement durable devienne un sujet majoritaire et transversal au PS. »

Concrètement, comment allez vous faire au plan local avec les écologistes , alors que subsistent des sujets de discorde forts comme le projet d’aéroport à Notre-dame-des-landes en Loire-Atlantique par exemple ?

« D’abord, notre désaccord avec les écologistes sur cet aéroport inter-régional n’est pas nouveau. Il s’était déjà exprimé aux dernières élections régionales de 2004. Et je remarque que les écologistes eux-mêmes ont leur contradictions sur ce sujet puisque l’UBD (Union démocratique bretonne), présente sur la liste d’Europe Écologie en Pays de la Loire, est favorable à cet aéroport. Cela dit, une alliance entre le PS et les écologistes pour le second tour ne veut pas dire que chacun s’efface dans un consensus mou. Avec les Verts et Jean-Phillipe Magnen, mon adjoint [2], nous avions déjà trouvé un terrain d’entente en 2008 : le projet que nous avons soumis aux électeurs aux élections municipales était "d’accompagner la décision de l’État de construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en veillant aux équilibres sociaux, économiques et environnementaux locaux". Alors c’est vrai, cette question a pesé politiquement, surtout sur les territoires et les communes directement impactés par ce futur équipement, ce que je comprends. Mais sur l’ensemble de la région, comme ailleurs, il y a bien plus de projets qui nous rassemblent que de sujets qui nous divisent, comme la priorité donnée au ferroviaire, pour rester dans le domaine des transports. C’est ce que les électeurs doivent avoir en tête dimanche prochain : les socialistes et les écologistes ont, pendant 6 ans, gouverné le plus souvent les régions ensemble, et il vont continuer de s’entendre sur l’essentiel. »

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