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Crise du Giec : A qui profite le crime ?
jeudi, 25 février 2010

La remise en cause des travaux du GIEC sur fond d’échec à Copenhague devrait nous appeler tous à la réflexion et sur de nombreux points.

A qui ce déferlement médiatique soigneusement organisé profite-t-il et quelles sont les forces à l’œuvre dans cette déconstruction organisée de la seule tentative jusqu’alors réussie d’avoir organisé à l’échelle planétaire les bases scientifiques d’un sujet primordial ? La réponse n’est assurément pas simple et les années qui viennent nous permettront sans doute d’apprendre qui était à la manœuvre dans le lancement du » climategate ». Mais, il n’en demeure pas moins que plusieurs constats doivent être faits :

- des erreurs, sans doute non fondamentales, mais très compréhensibles par le plus grand nombre, ont été commises qui, parce qu’elles ont été reconnues tardivement, ont laissé planer un doute sur la fiabilité de l’ensemble

- l’organisation même du GIEC, qui regroupe des scientifiques désignés par les Etats et qui appelle la rédaction d’un rapport « négocié » prête le flanc à la critique de scientifiques qui estiment que leur avis n’a pas été suffisamment pris en compte.

- Cette présence étatique suggère évidemment celle de lobbies très puissants qui souhaitent influencer dans des différentes directions, d’ailleurs, le rapport afin de favoriser le développement de leur industrie. De plus, de nombreux crédits de recherche dépendent de l’orientation du Giec d’où la frustration de certains laboratoires qui s’estiment lésés, d’où l’agressivité de leurs directeurs y compris en France.

- Les difficultés immenses du sujet qui font apparaître des zones entières d’ignorance, avec des variations régionales inexpliquées, des données contradictoires et peut-être un accent beaucoup trop important mis sur le CO2 au détriment du protoxyde d’azote et du méthane.

Tout ceci existe mais n’explique pas la violence de l’attaque et la volonté de détruire les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la politiques qui en découlent. Manifestement, une bataille industrielle et géopolitique se joue derrière cette stratégie qui peut se révéler suicidaire. Ne soyons pas naïfs. Améliorer le fonctionnement du Giec en le déconnectant le plus possible des Etats , oui. Mais le détruire, certainement pas car il n’a pas démérité fondamentalement et est indispensable pour construire une gouvernance mondiale du climat et au-delà des sujets supra-nationaux. Il n’est pas neutre que ce soit précisément la seule instance supranationale existante dans le domaine de l’environnement qui soit ainsi agressée. A qui profite le crime ????

Il n’en demeure pas moins qu’il faut réfléchir à améliorer le travail scientifique, non pas pour qu’il fasse disparaître la controverse mais pour qu’elle évite des dérapages parfois nauséabonds auxquels nous assistons et qu’elle soit déconnectée des considérations industrielles. La revue Nature a publié très récemment 5 propositions de réforme : une organisation sous forme de 3 panels : un panel scientifique global, un panel d’évaluation régional et un panel d’analyse politique. La seconde proposition est celle d’une agence indépendante sous la forme de l’AIE ou de l’AIEA, mais leur prise de position notamment sur la réalité des réserves pétrolières a été très contestée, la troisième voie consiste à appliquer les meilleures pratiques dans le cadre actuel, la quatrième à changer le mode de présentation et de discussion des rapports et la dernière de créer une forme de débat ouvert style Wikipedia. Il est clair que la confiance doit être rétablie , ce qui implique une évolution des procédures. Mais de grâce, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain car les travaux du Giec sont immenses et ont permis des progrès spectaculaires dans la connaissance et dans la mise en place de politiques en toute hypothèse indispensables.

Dès lors, comment gérer politiquement et économiquement le sujet en attendant un renforcement de l’institution ? tout d’abord, aucune des critiques formulées à l’encontre du Giec n’est globale et les principaux adversaires dont Claude Allègre refusent soigneusement de débattre avec les scientifiques.

En second lieu, même si on admettait qu’il y ait une incertitude sur la part anthropique du changement climatique, le risque est infiniment plus élevé de ne rien faire que d’agir pour transformer une économie de gaspillage en économie sobre.

En troisième lieu, en toute hypothèse, la raréfaction des ressources fossiles est une évidence et le passage à une économie décarbonnée une nécessité incontournable.

Dès lors , plutôt que de continuer ce débat sur la lancée actuelle, qui sent les officines peu fréquentables, interrogeons nous plutôt sur les meilleures allocations des ressources financières pour aboutir au résultat, qui reste inchangé : nous passer du pétrole et des hydrocarbures le plus vite possible.

- Par Corinne Lepage

1ère vice présidente de la commission environnement du Parlement Européen Ancienne ministre de l’environnement

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