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Gauche et droite envoûtées par Dame Nature
dimanche, 28 février 2010
/ Simon Barthélémy
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Après en avoir fait sans le savoir pendant des années, la droite revendique désormais une écologie pragmatique. Pendant ce temps, la gauche prétend mettre une pincée de social dans la verdure.
Vous roulez en Prius ? Vous êtes favorable à la taxe carbone – que vous ne paierez pas puisque votre loft est en centre-ville ? Vous pensez que le nucléaire prévient l’effet de serre ? Alors bienvenue dans l’écologie de droite. Oups, pardon, « l’écologie populaire », comme l’a baptisée l’UMP. Le concept : opposer une écologie « pragmatique », favorable au progrès et à la croissance verte, à celle de bobos hirsutes, gobeurs de tofus. La cible : Europe Ecologie (EE). Ce rassemblement compte peu de décroissants dans ses rangs – Yves Cochet ou Jean-Paul Besset, un proche de Nicolas Hulot –, mais son résultat canon aux élections européennes, donne quelques suées à l’UMP. Portés notamment par le sommet de Copenhague, les écolos ne chipent plus des voix seulement à gauche.
L’UMP tâche donc de rapatrier au bercail ces brebis parties voir ailleurs si l’herbe est plus verte. « L’écologie n’appartient à personne, ni à la gauche ni à la droite », assure Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie. Fondateur avec Nathalie Kosciuzko-Morizet de l’embryon de pôle écologique du parti, Eric Diard rappelle les faits d’armes de la droite : « Lois sur l’air, premier ministère de l’Environnement, Charte de l’environnement… Comme M. Jourdain, on faisait de l’écologie sans le savoir, et sans avoir su capitaliser là-dessus. » Et le député des Bouches-du-Rhône de remarquer : « On dirait presque qu’on en a honte... » Chantal Jouanno avoue qu’à l’UMP, l’écologie n’est pas encore très… populaire : « La mutation culturelle est récente, il faut énormément se battre. Avec la crise, certains ont des doutes sur la compatibilité entre économie et environnement. Et on souffre beaucoup des polémiques, comme celles sur le prix des produits bio ou le sérieux des expertises du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. »
Bruno Villalba, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Lille, raconte ce « Je t’aime, moi non plus » entre l’écologie et la droite : « Dans les années 1960, les gaullistes attribuent une valeur symbolique au patrimoine naturel qui fait l’identité nationale de la France. Pompidou veut conserver ce qui est beau et aménager ce qui ne l’est pas. La nature est en fait toujours un problème, alors qu’à la même époque, l’écologie politique naissante lui attribue une valeur en soi. » La droite évolue à partir des années 1980 avec l’émergence des Verts, d’enjeux environnementaux planétaires, comme le trou dans la couche d’ozone, et d’une nouvelle génération au centre-droit où l’on retrouve Jean-Louis Borloo, NKM. « La droite reconnaît alors l’intérêt de la question naturelle et essaie de corriger les dysfonctionnements les plus criants du modèle productiviste avec des mesures ciblées, type Grenelle, poursuit Bruno Villalba. La droite a donc des réponses aux problèmes d’environnement, mais pas de réflexion et de projet de société écologistes, indissociables d’un questionnement sur les relations entre homme et nature, et entre groupes humains. »
Députée ex-Verte, aujourd’hui au Parti de Gauche, Martine Billard juge que seule une « planification écologique » permettra d’agir à la vitesse nécessaire pour enrayer le changement climatique : « Il faut des politiques pour stopper l’étalement urbain, développer les transports collectifs, et isoler les bâtiments. Pas seulement des prêts à taux zéro, inaccessibles aux Smicards. » A ma gauche, ça fleure le Gosplan, à ma droite l’optimisme béat. Chantal Jouanno pense ainsi que la transition écologique sera « 50 % comportementale, grâce à des systèmes d’incitations fiscales et de prix, et 50 % technologique ».
Dans la révolution écolo, le bon dosage entre liberté et égalité reste à trouver. Pour l’ancienne ministre de l’Environnement (de droite) Corinne Lepage, « l’écologie politique n’est ni à gauche ni à droite, elle est devant ». —
Rue de Solférino, les écosocialistes sont une espèce rare. Au congrès du parti à Reims, les motions de Utopia et du Pôle écologique ont atteint respectivement 1,25 % et 1,59 %. Certains ont préféré claquer la porte, comme Eric Loiselet, ex-secrétaire national adjoint à l’environnement, aujourd’hui tête de liste d’Europe Ecologie en Champagne-Ardennes. Selon lui, « le PS est engoncé dans sa culture gestionnaire de parti de gouvernement. Il est à la ramasse face à l’irruption de forces et d’idées nouvelles ». « On est tous d’accord pour dire que l’avenir est à la social-écologie », rétorque pourtant Pierre Moscovici. Le président de la communauté d’agglomération de Montbéliard – un territoire qui tousse quand Peugeot s’enrhume – pense ainsi « qu’il faudra toujours produire des véhicules individuels demain ». Le nucléaire ? « Un facteur d’indépendance énergétique, mais il faudra en débattre avec les écolos. » Le club de réflexion Terra Nova tente lui d’aiguiller la « mue » du PS, selon son président Olivier Ferrand. Une cinquantaine d’experts issus des administrations et des ONG – dont Serge Orru, du WWF – débattent de tout, y compris de la décroissance. En espérant que ces boutures de programmes ne finissent pas au compost en 2012.
Illustration : Colcanopa