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L’éco-prêt : peut mieux faire ?
mardi, 16 février 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

L’éco-prêt, le gouvernement s’en félicite. En neuf mois, 75 000 de ces crédits verts ont été accordés aux Français. Au-delà des chiffres, ce dispositif est-il vraiment un succès ? Peut-on y apporter des améliorations ?

Prenons une famille de quatre personnes, logée dans une maison de Bretagne. Lassés de dépenser des fortunes pour payer leur facture de chauffage chaque hiver, les Durand ont décidé d’isoler leur maison. En fouillant un peu sur internet, Philippe est tombé sur l’outil idéal : l’éco-prêt à taux zéro. Pour en bénéficier, la famille doit faire un choix entre deux stratégies. Première possibilité : elle peut opter pour l’"amélioration énergétique globale de sa maison" et réduire d’un coup la consommation de sa maison à 80 kwH par mètre carré et par an. Deuxième option : elle peut choisir des travaux parmi un "bouquet" de six mesures : isolation de la toiture, des murs, remplacement des fenêtres, du système de chauffage, installation d’un chauffage ou d’un système d’eau chaude branché aux énergies renouvelables. "Le problème avec le bouquet c’est qu’il n’impose pas d’objectif de performance", souligne Raphaël Claustre, directeur du Comité de Liaison Energies Renouvelables (CLER), aurait préféré que les Durand n’ait d’autre choix que "l’amélioration énergique globale".

En l’occurrence, ça tombe bien car c’est l’option que les Durand, ambitieux, ont retenu pour leur maison. Mais le bâtiment est vétuste et consomme avec gourmandise 180 kwh pour chaque mètre carré. Pas de problème. Le gouvernement a tout prévu. Pour eux, l’objectif est baissé à 150. Une erreur pour les associations écologistes. "Seuls les 80kWh pourront permettre d’atteindre le Facteur 4”, soit la division des émissions de CO2 par 4 en 2050, souligne Yann Louvel des Amis de la Terre. Mais voilà. "Pour ramener une habitation qui consomme 180 kwh à 80kWh, il faut faire des travaux de grande importance qui risquent de coûter plus cher que l’enveloppe de 30 000 euros prévue par le gouvernement", avance Mathieu Wellhoff, économiste à l’Ademe.

17 000 euros empruntés en moyenne

Or, le gouvernement n’est pas prêt de revoir son prêt à la hausse. Les Durand pourront disposer de 20 000 euros s’ils choisissent de suivre deux mesures du bouquet, 30 000 s’ils en retiennent trois ou visent l’amélioration globale de leur demeure. "Avec 30 000 euros, on peut déjà faire pas mal de rénovations. Pour une maison de 150 m2, ça veut dire 200 euros investis par mètre carré. C’est déjà pas mal !”, souligne Raphaël Claustre. De toute façon, les Français semblent plutôt jouer ici la carte du raisonnable. Le montant moyen de l’éco-prêt s’élève à 17 000 euros pour les neuf derniers mois. Un montant remboursable sur dix ans. “C’est une durée convenable, ajoute M. Claustre. L’important c’est que le montant des remboursements soit équivalent aux économies d’énergie réalisées.” En clair, que l’argent sorti de la poche des Durand y rentre à nouveau grâce aux économies réalisées sur la facture d’électricité.

Simplifier la procédure

Pour préparer son dossier, Philippe demande une facture au fournisseur chargé de lui fournir une chaudière solaire et un devis à l’artisan qui viendra l’installer. La bouche en cœur, il va voir son banquier... qui n’y comprend rien. D’autant que le devis est rédigé à la main - d’une écriture incompréhensible - et livré sur une feuille volante. Pour Arnaud Berger, directeur Développement durable pour le groupe Banque populaire-Caisse d’Épargne, les filières doivent s’attacher à simplifier la chaîne d’information qui relie le particulier à la banque et passe par le fournisseur et l’artisan, former tous les acteurs et unifier devis et factures selon des modèles bien établis. "Les banquiers ne sont pas des spécialistes des techniques d’économie d’énergie. Il faut leur pré-mâcher le travail au maximum pour qu’à terme signer un éco-prêt ne prenne pas plus de temps qu’un prêt normal. Soit environ 10 minutes”, opine Mathieu Wellhoff. D’autant que les éco-prêts, populaires, risquent de se multiplier au cours de l’année 2010.

Et les Durand, finalement ? Malgré la complexité et la lenteur de certains dossiers, ils ne se sont pas découragés. La famille bretonne vit désormais dans une maison plus verte.

- Le bilan de la Fédération bancaire française
- Fiches sur l’éco-prêt par le gouvernement
- Image : Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer