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Les jeunes reprennent du service (civil)
dimanche, 14 février 2010
/ Julien Vinzent / Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco. |
La France veut développer le dispositif encore marginal du service civil volontaire. Objectif : favoriser l’engagement citoyen, la solidarité, la mixité sociale. Au-delà des grands mots, coup de projecteur sur ce dispositif à Marseille.
"Le puffin cendré est un oiseau qui vit toute l’année en haute mer et vient sur les Îles du Frioul pour se reproduire. Nous avons posé des nichoirs artificiels pour protéger ses oeufs des rats ou des effondrements de terriers de lapin." Vous pensez écouter un ornithologue dans un de ces documentaires animaliers qui jalonnent la torpeur des après-midi d’hiver ? Manqué : c’est Sarah, 19 ans, qui nous explique les détails de la vie de ce volatile méconnu.
Cette marseillaise fait partie des 8 volontaires de l’équipe Environnement d’Unis-Cité, une association qui accueille 1 000 jeunes par an en service civil volontaire. Avec ses "collègues", elle travaille tous les jeudis avec le Conservatoire-études des écosystèmes de Provence (CEEP). Le mardi et mercredi, c’est Boud’mer : elle aide la petite association à retaper des bateaux traditionnels et s’attelle à l’organisation de la Frioulade, une opération de nettoyage des îles rendues célèbres par le comte de Monte-Cristo agrémentée d’un repas. Le vendredi, elle prépare des opérations de sensibilisation au développement durable pour les 16-25 ans avec l’Atelier Méditerranéen d’Environnement. Et ce pendant 9 mois.
Contrairement à Sarah, qui avait déjà la fibre DD, elle était plutôt là "pour avoir une expérience professionnelle avec des personnes déficientes intellectuelles, précise-t-elle. Mais même si ce n’est pas mon domaine, au moins j’apprends des choses. Déjà le développement durable, c’est un grand mot : je ne savais pas vraiment ce que cela voulait dire". Parmi les 96 volontaires de cette promo 2009/2010, d’autres officieront dans un accueil de jour pour SDF, au Secours populaire ou encore auprès de minots des quartiers nord.
Et le lundi, on prend le temps pour encaisser toutes ces expériences ? Que nenni : les volontaires sont briefés sur "la formation et bénéficient d’un accompagnement dans leur projet professionnel ou d’étude et d’une formation citoyenne", complète Fathya Ali Soudja, coordinatrice de l’équipe. "On apprend plus qu’en éducation civique en voyant vraiment fonctionner les choses, comme le Conseil régional auquel on a assisté, constate Christelle.
A part ça, le service civique est aussi proche du service civil volontaire, créé lui en 2006, que son nom le laisse entendre. "Ce qui change, c’est une ambition politique beaucoup plus forte et c’est ce qui manquait jusqu’à présent", se réjouit-il. En plus du lancement (enfin) d’une campagne de communication, les crédits votés la semaine dernière à la quasi-unanimité par l’Assemblée Nationale permettront de financer la prise en charge de 10 000 volontaires en 2010 puis de 15 000 jeunes supplémentaires par an.
Des grands mots ? "Peut-être mais c’est quelque chose qui fait énormément discussion entre eux. Il y a les étiquettes du départ comme Charentaise, la Comorienne, les intellos... Et puis il y a quelque chose qui saute à ce niveau là : la question c’est alors de savoir si l’autre est sympa, impliqué, on est jugé sur les qualités humaines", assure Adil Mahil. Histoire de provoquer la rencontre, Unis Cité prend d’ailleurs bien garde à avoir "des hommes comme des femmes, des favorisés comme des défavorisés, des bac +5 comme des bac -5", schématise Pascal Isoard-Thomas.
Sous-entendu, pas question de voir les volontaires remplacer des salariés ou des bénévoles, un problème d’autant plus sensible dans des secteurs à la frontière du concurrentiel, comme celui de la dépendance, très lié aux services à la personne. "A quel moment on est dans le lien social et à quel moment on participe au développement de la structure ? C’est très limite ces questions-là". Adil Mahil met également en garde contre un service civique qui "serait plus une mesure de lutte contre le chômage des jeunes". Dans ce cas, les grands mots cacheraient une réalité bien moins rose.