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Angoulême, festival d’écolos ?
vendredi, 29 janvier 2010 / Morgan Broudic /

Étudiant à Sciencescom Nantes. Stagiaire à la rédaction de terraeco.net.

Le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, pour sa 37e édition, draine un flot insensé de bédévores. Il tente de minimiser son impact sur l’environnement alors que l’écologie investit les albums.

Les fans accourent, se bousculent, font la queue crayon entre les dents. Une dédicace se paie cher, mais quand on aime on ne compte (presque) pas. Tout ce va-et-vient sur quatre jours laisse une ville exsangue, des dédales de rues salies par des tonnes de papier, sans compter les monceaux de sacs poubelles à gérer - quand ils sont bien triés.

Johann Leconte, Directeur des Opérations chez Eco Emballage, est sur le pied de guerre. L’entreprise, propose des solutions clé en main aux organisateurs de festivals, avec au tableau de chasse une centaine d’évènements dont les Eurockéennes de Belfort ou les Francofolies. Sur Angoulême, le relai sur le terrain est asssuré par Connexions, une association d’environ 80 jeunes majoritairement bénévoles, épaulés par des instituteurs, qui fait le lien avec les festivaliers. On peut ainsi voir la troupe s’agiter sur une mini-chaîne de tri mobile pour retrier les poubelles de la ville : « Les gens ne font pas de gros efforts. Il faut constamment repasser derrière eux », constate Nicolas, membre de Connexions.

Écolo et pédago

Cette année, les cibles privilégiées de ces actions écolos sont les enfants, histoire de leur faire prendre de bonnes habitudes : « Clairement, notre objectif est de donner envie de bien trier. La vraie victoire sera quand tout le monde le fera machinalement », explique Johann Le Comte. Sur place, il faut bien avouer qu’on doit y mettre du sien pour ne pas comprendre le système des poubelles de tri, multipliées de façon exponentielle pour l’occasion, avec leurs petits panonceaux d’explication sur le dessus.

Côté agglo, tout a été mis en place pour que les festivaliers se garent le plus loin possible de la ville : les bus à tournent à plein régime dans et autour d’Angoulême. L’autre élément majeur mis en place est l’exposition Léonard, suite de scénographies autour de l’environnement avec le génie et le disciple de Turk & De Groot. Au menu pour les plus jeunes : concours de dessins, urbanisme vert et apprentissage ludique du tri.

Et côté BD ?

40 millions de bandes dessinées sont vendues chaque année en France. Philippe Jarbidet, professeur de dessin à Liège, note : « Un auteur consomme au maximum une ou deux ramettes de papier à dessin sur un projet. C’est minime : une entreprise en fait autant en 4 heures. » Et ridicule au regard des tonnes de papier - rarement recyclé - commandées par les éditeurs. Si les encres sont de moins en moins polluantes, le plus gros impact environnemental du secteur de point de vue CO2, c’est le transport, assure les éditeurs.

Chaque année, Yves Frémion, membre des Verts et calembouriste de talent, remet le prix Tournesol à la bande dessinée la plus écolo. Il y a 2 ans, « Le secret d’Amaterasu », première bande dessinée éco-conçue imprimée sur du papier recyclé, avec de l’encre végétale, raflait la mise. Le projet était autoproduit, à 10 000 exemplaires par AJENA, une association basée dans le Jura en Franche-Comté. Dominique Poncet, commissaire et scénographe depuis 11 ans sur le festival est pour l’instant sceptique sur la pérennité de ce type de projets : « Ça n’a pas grand intérêt. Si l’on veut que l’encre végétale tienne longtemps, il faut la recouvrir d’acrylique, qui est un produit très polluant. Alors l’encre végétale, pour un support à court-terme pourquoi pas, mais pas pour une bande-dessinée ! »

Moins poétique, plus politique

Sur le contenu, l’écologie est au cœur de très nombreux ouvrages, variant de la BD pour enfants au polar noir. « L’écologie en bande dessinée a gagné en crédibilité : auparavant les héros étaient plutôt des hippies idéalistes, évoluant dans des univers de poésie bucolique , remarque Olivier Thierry du magazine Zoo. Les thèmes se sont politisées, avec souvent comme toile de fond des polars apocalyptiques, plus violents, plus réalistes. » Dominique Poncet défend quant à lui ardemment ses artistes : « tous les auteurs de bande-dessinée sont des humanistes, respectueux des autres et par conséquent, des écolos. Quelqu’un d’aigri, de bourru et de méprisant ne pourra pas faire rêver les enfants ou s’attirer leur sympathie, j’en suis persuadé… ».

Et ce n’est pas les époustouflants concerts de dessins, les heures passées en séance de dédicace par les auteurs et l’afflux massif de ces enfants, grands et petits, qui viendront démentir son propos : Angoulême est bel et bien un évènement sans pareil en France, mis en place par des passionnés à la volonté tenace. "On n’est pas encore au point écologiquement parlant, reconnait Dominique Poncet, mais on compte bien le devenir !"conclut-il. Le festival est en train d’écrire une nouvelle page.

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- Illustration : l’affiche de l’expo Léonard de Turk & De Groot


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