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Moins de pesticides, c’est possible !
jeudi, 28 janvier 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Réduire l’usage des pesticides dans nos campagnes. Et ce, sans mettre les agriculteurs sur la paille. C’est possible, répond l’Institut national de recherche agricole (Inra). Dans un rapport fraîchement publié, l’organisme recense les méthodes pour atteindre l’objectif fixé par le Grenelle de l’Environnement. Soit 50% de pesticides en moins d’ici à 2018.

Les pesticides représentent aujourd’hui 2 310 millions d’euros dépensés chaque année, rappelle l’Inra. Soit 90 euros par hectare cultivé en moyenne. Au rang des exploitations les plus gourmandes : les grandes cultures, comme le blé ou le colza. A eux seuls, ces champs (46% de la surface agricole utile en France) pompent 70% des barils de phytosanitaires déversés sur le territoire. C’est donc bien là que les efforts ont le plus d’importance. Et ça tombe bien. Car c’est aussi sur ces champs-là que les marges de manœuvres sont les plus grandes.

Certes si on réduit l’usage des pesticides dans les grandes cultures de moitié comme le veut le Grenelle, les rendements baisseront. De 12% pour être précis, écrit l’Inra. Mais, réduire leur consommation permettra aussi aux agriculteurs de regonfler leur portefeuille. En clair, les marges sur les cultures seront peu affectées. Mais pour parvenir à cet objectif, il va falloir se retrousser les manches. “Pour réduire de 20 à 30% les pesticides, il suffira de traiter mieux au bon moment. Et donc de former les agriculteurs. Mais pour aller plus loin, il faudra modifier le système : changer les assolements [la rotation des cultures sur une terre], prendre des variétés plus résistantes. Mais ce n’est pas inimaginable”, décrypte Jean-Claude Bévillard, chargé des questions agricoles à France Nature Environnement (FNE), après la lecture du rapport. Mieux, “on peut aller relativement vite. On a des références techniques solides”, opine François Veillerette, président du Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF).

Adieu les tomates bien rondes

Voilà pour la bonne nouvelle. Mais pour les autres exploitations : arboriculture, culture légumière et viniculture, très gourmandes en pesticides, le combat risque d’être plus ardu. Et les marges de manœuvres plus minces. “La plupart de ces cultures sont des cultures pérennes, les variétés utilisées ne changent pas à cause du problème des appellations. C’est le cas par exemple pour le vin”, souligne François Veillerette, du MDRGF. Pas de quoi baisser les bras néanmoins. “Il existe des méthodes pour améliorer la résistance des fruits ou le désherbage mais la recherche est encore limitée dans ces secteurs. Il faut que l’État renforce les budgets des chercheurs”, explique-t-il. Et le secteur tout entier doit se plier au changement. “Le consommateur et le secteur de la distribution devront accepter la présence de tâches sur les pommes ou des fruits de calibre différent”, propose Jean-Claude Bévillard. Une petite tolérance qui permettrait de réduire les pesticides uniquement voués à préserver l’esthétique.

Mais que va donc faire l’État de toutes ces données ? “Ça c’est la question qui tue, ironise François Veillerette. Il faut que ce rapport pousse le gouvernement à agir rapidement sur les grandes cultures et à développer la recherche dans la viticulture ou l’arboriculture.”. Il faut aussi que l’État adapte son système de subventions. “Il doit aider les agriculteurs qui utilisent peu d’intrants [engrais et pesticides]. Mais aussi taxer l’usage des pesticides”, précise Jean-Claude Bévillard de FNE.

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- Photo : www.mdrgf.org