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Réalisateur d’images à conviction
dimanche, 31 janvier 2010 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Patrick Rouxel vient de frapper un grand coup dans le monde du documentaire. Il a suivi les derniers jours d’un orang-outan de Bornéo pour montrer les ravages de l’huile de palme. Sans commentaire.

Mise à jour du 6 décembre 2010 - Le film Green de Patrick Rouxel a été diffusé sur France 5 dimanche 5 décembre. Vous pouvez le (re)voir gratuitement sur le site Greenthefilm.com

« Je réalise des films par honte de ce que l’humanité est capable de faire. » Le dos au soleil d’Amazonie qui caresse les ondes du Rio Negro, Patrick Rouxel ouvre son âme. Sur l’une des tables du petit bateau à deux étages qui le conduit vers la forêt est posé le fruit de son dernier travail. Le DVD de Green, un documentaire sur les derniers jours d’un orang-outan, victime de la déforestation à Bornéo. Grâce à ce film remarquable, le nom de Patrick Rouxel est brusquement sorti de l’anonymat. L’œuvre a décroché de nombreuses récompenses (1) aux quatre coins du monde. « C’est peut-être la fin des Assedic Productions », éclate de rire le garçon né à Lyon il y a quarante-quatre ans. Echappé d’une deuxième année de médecine puis titulaire d’une licence de littérature, Patrick Rouxel a finalement jeté son dévolu sur l’image.

Il partage son temps, depuis dix ans, entre une petite boîte de post-production de la capitale où il pointe comme intermittent, et ses tournages, caméra au poing. « Jusqu’à 30 ans, j’avais conscience de ne rien faire. Mais au moins, je prenais soin de ne rien faire de mal », confesse le garçon. Dans sa tête, le souvenir d’une enfance en pleine nature en Indonésie le hante. La moiteur et la virginité de la forêt tropicale amputée sous ses yeux le poursuit. Le jeune réalisateur pige alors que la vidéo peut servir son dessein : montrer le monde, ce que l’espèce humaine en a fait et offrir quelques pistes pour le changer. Sa petite caméra Canon ne le quittera plus.

Un miroir animé

L’homme est végétarien depuis près de trente ans. « Ce n’est pas pour être exemplaire. C’est seulement que je ne peux plus avaler de chair animale. » La plus jeune de ses trois sœurs, Caroline, confirme : « En Asie, notre maison était une arche de Noé. Les chats, les chiens, les lapins, les singes et les animaux trouvés dans la rue finissaient tous chez nous. Patrick, que leur maltraitance déjà indignait, leur servait de protecteur. » L’homme ne s’est pas assagi. Solitaire, à fleur de peau et le regard en scanner, il veut témoigner et convaincre des urgences.

Green, son documentaire sans parole, est une arme de sensibilisation massive. Patrick Rouxel le sait. Désormais, il tient dans la poésie et la force de ses images la capacité d’emmener l’opinion dans son sillage. « Il est sans compromis ni convention, confie le preneur de son Frédéric Sanchez del Rio, qui l’a accompagné sur le tournage. Il souffre en contemplant nos agissements et nous tend un miroir. Mais sans commentaire pour nous laisser notre libre arbitre. » Dans la salle du Teatro Guarany, à Manaus, au Brésil, où son documentaire vient d’être projeté à l’occasion du festival Amazonas, le public se lève et essuie ses larmes. Une fois de plus l’histoire de Green, la femelle orang-outan sacrifiée, vient de faire mouche. Patrick Rouxel a, lui, déjà la tête ailleurs. Il a décidé de montrer les ravages de l’huile de palme et ceux de l’industrie de la viande. Ailleurs sur la planète. —

(1) Primé au Jackson Hole Wildlife Film Festival 2009 et au Festival international du film animalier d’Albert 2009.

Photo : DR

- Le film est disponible gratuitement en streaming ou en téléchargement sur le site officiel