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Une désintoxication en 3 étapes
dimanche, 31 janvier 2010 / Cécile Cazenave

Dire au revoir à jamais à la viande ? Pas simple… Alors, pourquoi ne pas y aller pas à pas.

1. Je mange uniquement de la viande bio

Impossible de rayer à jamais de votre palais le goût du steak sauce au bleu ? Alors passons par une phase 100 % bio. Car même si les chiffres divergent, l’élevage bio dégage moins de gaz à effet de serre que le conventionnel. Si la planète est alors – un peu – sauvée, vos courses risquent en revanche de devenir un enfer, la viande bio représentant à peine 1 % des bêtes abattues. Selon le baromètre 2008 de l’Agence bio, 44 % des « consommateurs de bio » achètent du poulet AB et seuls 24 % craquent pour du bœuf. Sur les 16 000 boucheries artisanales, seules 150 à 200 sont passées en bio. « Mais c’est en forte progression : le boucher sait valoriser les animaux et en parler au client », explique Jean-François Deglorie, de la commission bio d’Interbev. Dans les faits, 80 % du bœuf bio vendu l’est en supermarché. Ce steak fera, en outre, très mal au portefeuille puisque l’écart de prix entre bio et conventionnel se situerait autour de 30 %. « Chez les bouchers, on ne sent pas la différence avec les autres labels ! », préfère noter Jean-François Deglorie.

2. Je ne mange plus qu’une côtelette par mois et seulement de la « locale »

Pourquoi ne pas simplement réduire les portions de viande ? Si le Français suivait les recommandations du nouveau « Plan Nutrition Santé » (1), il devrait manger 1 à 2 fois par jour des viandes, volailles, produits de la pêche et œufs. Privilégiez alors de la viande produite localement, votre bilan carbone vous dira merci. Le projet européen CREPE calcule le poids du transport dans le bilan carbone des aliments. La palme est revenue à un petit marché local : le transport d’un kilo de légumes ou d’œufs y pèse 0,38 g de gaz à effet de serre. Le même, acheté en Amap, concentre entre 10 g et 20 g du poids total. Dans un magasin d’alimentation régional, cela grimpe jusqu’à 26 g et explose à 50 g quand les produits sont importés ! L’étude est valable pour la viande. Cela tombe bien, car la filière des circuits courts se réveille pour la carne. C’est le constat de Yuna Chiffoleau, sociologue à l’Institut national de la recherche agronomique et chef de groupe au Réseau rural français. « La viande est en train de devenir un produit d’appel », souligne la chercheuse qui a remarqué que de plus en plus d’éleveurs se greffaient sur des réseaux d’Amap. Ils fournissent entre 5 et 10 kg de bœuf ou de porc à des prix défiant parfois toute concurrence. « Dans l’Hérault, on trouve le kilo de bœuf bio de plein air à 14 euros ! », constate-t-elle. Mais la filière manque encore d’organisation. Il faut en outre débourser près de 150 euros à la livraison, somme excluant les ménages modestes. Et un grand congélateur s’avère indispensable…

3. Je ne mange plus de viande, mais est-ce que je tiens (physiquement) debout ?

Peut-on se passer de bidoche ? « C’est une fausse question, l’homme est omnivore », répond Luc Cynober, professeur de nutrition à la Faculté de pharmacie Paris-Descartes et chef de service des hôpitaux Cochin et Hôtel-Dieu. L’enjeu tourne autour de ces 9 acides aminés essentiels, les « maillons » des protéines, que l’organisme ne peut pas synthétiser seul. Pour nous apporter ce cocktail complet viennent d’abord le lait et les œufs, puis les animaux et enfin les végétaux. « Les agronomes des pays du Sud réfléchissent à des combinaisons de végétaux pour éviter les déficiences », précise-t-il. Pour ne pas passer à côté de ces 9 acides aminés essentiels, il faut donc « croiser » dans nos estomacs plusieurs végétaux. Mais en quelles proportions ? « C’est une question complexe, inaccessible au grand public », tranche Luc Cynober. Plus mesuré, Lylian Legoff, médecin et membre du comité de veille de la Fondation Nicolas Hulot, milite pour le retour des légumineuses et des céréales dans les repas. « Les recettes traditionnelles reposent sur ces associations », relève-t-il, en évoquant d’alléchants petits salés aux lentilles et couscous alliant blé et pois chiches. « Diminuer les quantités de viande, c’est des économies et cela permet d’investir dans la qualité : le plaisir en bouche est décisif dans la transition ! », ajoute-t-il. Mon entrecôte saignante serait alors rangée au rayon des plaisirs festifs. Pourquoi pas ?

(1) Ce plan national (2006-2010) vise à réduire de 20 % la prévalence du surpoids et de 25 % le nombre des Français qui ne mangent pas assez de fruits et légumes.

Photo : Samuel Bollendorff - L’œil public

- Le « Plan Nutrition Santé »