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Vancouver slalome vers des Jeux verts
dimanche, 31 janvier 2010 / Lise Barcellini

Vancouver a le Pacifique à ses pieds et des montagnes sur les épaules. Pour devenir d’ici dix ans « la ville la plus verte du monde », la métropole canadienne promet des jeux Olympiques d’hiver exemplaires.

(Au Canada)

A Vancouver, la pluie est quasi quotidienne d’octobre à avril. Alors autant en profiter… Au village olympique qui héberge 3 000 athlètes ce mois-ci, l’eau de pluie est récupérée et réutilisée. Objectif : réduire de moitié la consommation totale d’eau potable. Ce tout nouveau quartier, situé sur la rive sud de False Creek, un long bras de mer qui pénètre au cœur de la ville, était une friche industrielle il y a quelques années encore. Le voilà désormais propulsé « vitrine écologique » du pays. Isolation thermique, production de chaleur via les égouts, jardins communautaires… Ici, tout a été pensé pour remplir les critères Gold de la certification nord-américaine LEED (Leadership in Energy and Environmental Design ), l’équivalent de notre HQE (Haute qualité environnementale). Pour autant, les bâtiments sont encore très loin des innovations allemandes ou suédoises.

Après les Jeux, le village des athlètes, situé à quelques encablures seulement du centre-ville, deviendra un quartier résidentiel. Le lieu compte 1 100 appartements, dont 250 vendus à un prix inférieur à celui du marché. « Les bâtiments du village olympique n’ont pas seulement été conçus selon des normes environnementales mais aussi dans le but d’être utiles pour la communauté », explique Ann Duffy, directrice de la durabilité au Comité organisateur des JO de Vancouver. Exemple : l’immeuble « Net-Zero-Energy », qui doit produire autant d’énergie qu’il en consomme, se transformera après la fin des compétitions en HLM pour personnes âgées.

Une marmotte locale en guise de mascotte

Tout près du village olympique se dresse le stade BC Place, où se déroulent les cérémonies d’ouverture le 12 février et de clôture le 28. Cette gigantesque enceinte de 55 000 places accueille d’ordinaire les matchs de football canadien – une variante du football américain – de l’équipe des Lions de la Colombie-Britannique. Pas de fastueux Nid d’oiseau comme à Pékin pour recevoir les caméras et les chefs d’Etat du monde entier : Vancouver a opté pour la sobriété. Depuis 1994, l’environnement est l’un des trois piliers officiels des jeux Olympiques (derrière le sport et la culture). Et la cité hôte des Jeux 2010 compte bien exceller en la matière. Politique de réduction des déchets, bâtiments écologiques, transports en commun… Les organisateurs ont même poussé le zèle jusqu’à choisir pour mascotte Mukmuk, une marmotte locale en voie d’extinction. Histoire peut-être de rappeler qu’avec le réchauffement climatique, les sports d’hiver sont eux aussi sur la sellette.

Icône de cette démarche verte, l’Anneau olympique de Richmond, en banlieue sud de Vancouver, accueillera les épreuves de patinage de vitesse et le laboratoire antidopage. Depuis un an, le site est déjà ouvert au public et fait office de centre sportif communautaire. Dès le mois d’avril, la glace disparaîtra sous un plancher sur lequel il sera possible de pratiquer le football, le volley-ball, le basket-ball et le fitness. L’Anneau aura donc une vie en dehors des JO. Mais le recyclage ne s’arrête pas là. Les toilettes fonctionnent à l’eau de pluie et la chaleur produite par la fabrication de la glace sert à chauffer les bureaux. Surtout, la vaste charpente est entièrement issue du recyclage d’arbres malades, victimes du dendoctrone du pin ponderosa. Ce coléoptère produit un champignon qui a déjà dévasté 13 millions d’hectares de forêt en Colombie-Britannique… soit la superficie de l’Angleterre.

Abattage d’arbres malades

« Nous avons utilisé plus de 2 000 m3 de bois pour le toit. Et ce bois provient intégralement d’arbres malades qui, sinon, seraient restés inutilisés », explique Aran Kay, responsable de la communication du site. Inutilisés ? La formulation agace Stéphanie Goodwin, responsable de la campagne Forêt chez Greenpeace : « L’Anneau est l’exemple même d’une utilisation irresponsable et anti-écologique du bois. Nous demandons au gouvernement provincial un moratoire sur l’abattage des arbres malades jusqu’à ce qu’on nous montre la preuve scientifique que leur bois sera inutilisable dans quelques années. »

Les installations les plus contestées par les écologistes se trouvent à Whistler, à 120 km de Vancouver. « Il a fallu abattre entre 89 000 et 120 000 arbres très anciens pour construire les pistes de ski de fond et de saut à ski », s’indigne Pina Belperio, membre du conseil d’administration du Conseil des Canadiens, le plus important groupe de défense des intérêts des citoyens dans le pays, classé à gauche. « Au lieu de suivre les plans de départ, les pistes de ski ont été conçues à la va-vite, sans créer de zones tampons autour des zones humides sensibles. Jusqu’à présent, le Comité organisateur a refusé de créer un programme pérenne pour défendre l’habitat des grizzlys, alors que la région avait été choisie pour être un secteur de réhabilitation de cette espèce. »

Des navettes qui roulent à l’hydrogène

Le maire de Whistler, Ken Melamed, se veut pourtant un écologiste convaincu. Il assure faire le maximum pour que les Jeux soient les plus écologiques possibles. « Pour éviter que notre ville soit défigurée, nous avons décidé de réduire la capacité d’accueil de chaque épreuve. A Lillehammer, en Norvège, en 1994, il y avait 60 000 spectateurs massés devant les tremplins de saut à ski. Cette année, seulement 8 000. De plus, aucun spectateur ne pourra venir en voiture. Tout le monde devra prendre les transports en commun. » Mais sur place, on s’attend déjà à quelques files d’attente puisque seulement une vingtaine de bus 100 % non-polluants, roulant à l’hydrogène, effectueront la navette entre le centre-ville de Whistler et les sites de compétition. Une vitrine idéale certes pour cette industrie encore à l’état expérimental, mais un dispositif qui semble un peu léger : pas moins de 50 000 visiteurs sont attendus chaque jour à Whistler !

Coca-Cola, McDonald’s… et crédits carbone

Toujours plus ambitieux, Vancouver 2010 promet même un bilan neutre en carbone. Selon les chiffres communiqués par les organisateurs, les efforts réalisés en terme de développement durable auront évité « 18 % des émissions de gaz à effet de serre » (GES) à l’issue de la compétition. « Si ce chiffre de 18 % est confirmé dans les faits, ce serait un effort considérable, indique Deborah Carlson, responsable de la campagne sur le changement climatique à la Fondation David Suzuki, l’équivalent canadien de la Fondation Nicolas Hulot. Cela montrerait que des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique existent et qu’elles ne demandent pas des investissements considérables. » Selon elle, le budget consacré à la « durabilité » des Jeux représente environ 1% des dépenses totales, estimées à 1,76 milliard de dollars… Et encore, l’environnement n’est qu’un volet parmi d’autres de ce pôle « durabilité ».

Mais le bilan carbone des JO reste lourd : aux alentours de 268 000 tonnes équivalent carbone. Pour régler cette facture climatique, Vancouver 2010 a choisi un fournisseur officiel de crédits carbone : une démarche inédite ! L’heureux élu figurera donc aux côtés de Coca-Cola et de McDonald’s. Il s’agit d’une entreprise locale d’une vingtaine de salariés : Offsetters Green Technology Inc. Sa mission : investir dans des programmes de production d’énergie renouvelable, comme un champ d’éoliennes à Izmir, en Turquie. Seulement voilà, compenser les émissions ne fera pas s’évanouir d’un coup de baguette magique les gaz nocifs pour l’atmosphère. De plus, les organisateurs des JO ne compenseront pas les 150 000 tonnes équivalent carbone imputables aux spectateurs, médias et sponsors, alors que celles-ci représentent plus de la moitié des émissions totales. Les organisateurs plaident non coupables : « Nous arriverons à un bilan neutre si chacun fait sa part du travail. » Deborah Carlson, de la Fondation David Suzuki, ne partage pas le même avis : « Ils auraient pu trouver une solution pour compenser les émissions liées aux transports des spectateurs. Nous leur avions par exemple suggéré de faire payer un supplément sur le prix des billets des compétitions. »

Pour que Vancouver 2010 tienne les promesses affichées, c’est donc aux citoyens – unilatéralement – de mettre la main au porte-monnaie. Selon le calculateur en ligne d’Offsetters, pour compenser un aller-retour Paris-Vancouver (800 à 900 euros en temps normal mais bien plus en période olympique !), il faut compter 68 dollars canadiens, soit 44 euros. —


LONDRES : PLUS VITE, PLUS HAUT, PLUS VERT

Les Britanniques ont été convaincus par son histoire belge. Il y a cinq ans, ils ont choisi le cabinet d’études de Frédéric Chômé pour diminuer au maximum leur bilan carbone. Et le physicien a pris soin de ne rien négliger. Contrairement à tous les grands événements qui se contentent d’un bilan carbone limité aux transports, les JO de Londres prendront donc en compte l’ensemble des émissions fossiles engendrées pendant les six ans de préparation : construction du stade – 80 % d’acier recyclé dans les tribunes – et du village olympique, logistique des 14 millions de repas servis pendant l’événement – producteurs locaux privilégiés –, déplacements des athlètes – interdire les voyages en avion à ceux qui résident à moins de 1 000 km a même été évoqué… Les sponsors sont aussi mis à contribution. Les grandes marques de hi-fi devront ainsi travailler sur la consommation énergétique et le process de fabrication de leurs téléviseurs, dont le parc est souvent renouvelé à l’occasion des grands moments sportifs. Côté athlètes, ils devraient repartir avec des plantes en pots produites sur place plutôt que des bouquets de fleurs coupées, souvent importées de l’étranger.

Photo : Covan

- Le site officiel des Jeux