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Et si la taxe carbone s’appliquait à tous ? (2/3)
jeudi, 14 janvier 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Le 30 décembre, le Conseil constitutionnel a retoqué la taxe carbone voulue par Nicolas Sarkozy. Trop d’exemptions, trop d’inégalités aussi. Terra eco a sondé plusieurs économistes et vous propose trois scénarios, sur le chemin d’une taxe carbone idéale.

Dans un communiqué de presse, le Conseil constitutionnel a justifié son veto : “L’importance des exemptions totales de contribution carbone étaient contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture d’égalité devant les charges publiques.” Le chapelet de dispenses (pour les industries les plus polluantes, le transport aérien ou les convois routiers de voyageurs) et de ristournes (pour le transport routier de marchandises ou maritime) conduisaient à taxer “moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre” françaises. Alors pourquoi pas une taxe carbone pour tous, sans exemptions ou régimes spéciaux ?

- Les moins ?

Imaginons. On applique une taxe de 17 euros la tonne de carbone pour tous : individus et entreprises mêlés. Après tout, qu’importe la source : les dégâts d’une tonne de CO2 dans l’atmosphère sont toujours les mêmes. Sauf que tout le monde n’est pas égal devant le carbone. Du côté des hommes, il y a les handicapés ou les ruraux qui dépendent beaucoup de leur voiture. Du côté des entreprises, les taxis qui vivent de leur mobilité ou les grandes industries déjà taxées sur l’autel du marché carbone européen. “On ne part de zéro dans cette affaire”, souligne Rémy Prud’homme, ex-professeur d’économie à l’université Paris XII. Et “l’impact de la valeur carbone n’est pas le même pour tous, opine Patrick Criqui, directeur du Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale de Grenoble (Lepii). Si l’on choisit par exemple une valeur de 400 euros la tonne de CO2 en 2050, ça représente un doublement pour essence. Mais pour l’industrie, ça multiplierait par trois ou quatre le prix des matières premières.”

- Les plus ?

Évidemment, une taxe carbone sans exemptions aurait le mérite de la simplicité. Mieux, elle ferait jouer à plein tube le signal-prix.“Non seulement c’est envisageable mais c’est désirable, confie Christian Gollier, professeur d’économie à l’université de Toulouse I. Prenons une taxe à 17 euros la tonne. Les entreprises qui y seront soumises chercheront à réduire leurs émissions du moment que l’opération leur coûte moins de 17 euros par tonne émise. Mais d’autres entreprises qui pourraient réduire leurs émissions pour moins que ça, n’y seront pas incitées !” Exemple : les transporteurs qui peuvent assez facilement opter pour des poids lourds moins polluants, assure l’économiste. “Les exempter est une aberration de toute première catégorie !”

La solution : compenser intelligemment

Faire payer la même taxe à tous les individus et à toutes les entreprises, d’accord. A condition de reverser une compensation aux plus vulnérables. De quoi faire marcher le signal-prix tout en réduisant l’effet inégalitaire de la taxe. Mais prendre d’une main pour rendre de l’autre, est-ce vraiment efficace ? Ce n’est pas un problème pour Christian Gollier. “Si je paye davantage mon litre d’essence, je serai incité à acheter un véhicule plus efficace ou à utiliser davantage les transports en commun et ce, quel que soit le montant du chèque vert que je touche. C’est un phénomène bien connu en économie, la compensation n’a pas d’effet sur la décision au moment de l’achat.”

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- Photo : Nikko1974