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Ces Français pour qui se chauffer est un luxe
mercredi, 13 janvier 2010 / Morgan Broudic /

Étudiant à Sciencescom Nantes. Stagiaire à la rédaction de terraeco.net.

Avec des températures situées 7°C sous les normales saisonnières pendant 12 jours consécutifs, la lumière a une fois de plus été faite sur la précarité énergétique. Témoignages dans l’Ouest de la France.

Martine vit depuis cette année en HLM au sud de Nantes, dans un petit immeuble chauffé au gaz de ville, trop cher pour elle. Quinquagénaire qui refuse de laisser abattre, l’hiver est une période creuse pour le secteur dans lequel elle travaille. Pour elle, ce sera le RSA, et par conséquent, la quasi-impossibilité de faire le moindre écart budgétaire. Le chauffage fait partie de ces écarts : « J’ai de la chance, je ne suis pas frileuse, et j’ai encore l’énergie pour me déplacer, faire des choses. Je pense souvent aux personnes très âgées... »

La précarité énergétique concernerait 10% des foyers français, mais il est difficile d’en effectuer une cartographie ou même d’en identifier tous les tenants et aboutissants. Selon le rapport remis au gouvernement le 6 janvier dernier, « 87% de ces précaires vivent dans le parc privé, 70% appartiennent au premier quartile de niveau de vie, c’est-à-dire aux 25% de la population percevant les plus faibles revenus, 62% sont propriétaires de leur habitation et 55% ont plus de 60 ans. » En 2006, le gouvernement avait lancé la création d’une aide : le Fond de Solidarité Maitrise Énergie dotés de 40 millions d’euros. Récemment, l’Ademe a relancé une réflexion pour tenter de réduire le nombre de ces situations souvent complexes.

Sortir du placard

Lucien Bertin, président de Nantes Habitat y est confronté au jour le jour : « Très peu de gens en parlent, pour des raisons de dignité. Ou bien ils attendent la dernière extrémité. » Si l’on en croit son expérience, c’est même un véritable cercle vicieux : beaucoup vivent dans des bâtiments insalubres, humides. Parfois, ils chauffent, mais comme le logement n’est pas aux normes, la chaleur des radiateurs (par ailleurs souvent fixés sous les fenêtres, à l’ancienne) part au travers du vitrage, des aérations ou des boiseries en putréfaction. À cause du froid, ils calfeutrent les ouvertures, et du coup l’air ne circule pas dans leur logement. Les chiffres de l’Ademe sont sans équivoque : les intoxications au monoxyde de carbone entraînent chaque année 400 morts et 8 000 hospitalisations.

Et puis il y a les jeunes, qui taisent encore plus leur situation. Arnaud, étudiant caennais a parfois du mal à joindre les deux bouts. Ses parents n’ont pas les moyens d’assurer financièrement derrière lui, alors c’est la débrouille : « L’hiver dernier, je n’ai pas chauffé du tout, et pourtant j’ai eu 200 euros de facture d’électricité », rapporte-t-il, encore incrédule. « En parler signifie pour moi me confronter à la pitié des autres. » Une gêne ou un silence qui peut expliquer le manque d’information dont dispose les syndicats étudiants sur le sujet. A Nantes, dans une ville qui compte pas loin de 50 000 étudiants, l’Unef ou Sud avouent ne pas connaître de personnes en situation de précarité énergétique.

Guy Bernard, de la Confédération Nationale du Logement (CNL) en voit pourtant défiler régulièrement, qui sabrent sur le budget nourriture pour se payer le chauffage. À l’issue de la trêve hivernale, l’électricité sera pour certains coupée, le chauffage arrêté. La facture, elle, bien envoyée...

- Le rapport sur la précarité énergétique
- Illustration : Olivier Marboeuf