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Les projets d’éolien off-shore en France
mercredi, 6 janvier 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Déjà important en Europe du Nord, le développement de l’éolien off-shore en est encore à ses balbutiements en France. Le tour des principaux projets, et des premiers blocages.

420 MW : c’est la puissance des parcs d’éolien off-shore installés cette année en Europe, le total des installations frôlant désormais les 2 000 MW. Mais sur les côtes de l’Hexagone, le vent n’entraîne toujours aucune turbine. Pourtant, les objectifs du Grenelle de l’environnement pour cette source d’énergie sont fixés à 6 000 MW en 2020. Alors quels sont les projets qui pourraient prochainement sortir de mer ?

Un seul parc opérationnel en 2011

"Le projet le plus avancé est porté par la société Enertrag, au large de Veulettes-sur-mer en Seine-Maritime, retenu lors de l’appel d’offres lancé par l’État en 2004. Ce projet possède aujourd’hui l’ensemble des autorisations nécessaires", affirme le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Au terme d’un marathon de sept ans, 21 éoliennes de 5 MW chacune, produiront dès 2011 de quoi alimenter 175 000 personnes.

Pour le reste, il faut s’en remettre à l’hypothétique. "Une étude a été réalisée parmi nos adhérents afin de mieux préparer la planification pour les façades maritimes. D’après les données qui sont remontées, on est arrivé à un chiffre d’une vingtaine de projets à des stades très différents", indique Elodie Peyret, du SER. Difficile cependant de prévoir une puissance globale, "car ils ne se feront pas tous, pour des raisons techniques, paysagères, environnementales ou tout simplement parce que les zones se recoupent", explique-t-elle.

L’off-shore français attend son plan

Certes, les côtes françaises ont la fâcheuse tendance de tomber "à pic". Il ne faut donc pas trop s’éloigner du rivage avant que la profondeur rende très difficile l’implantation d’éoliennes. Mais c’est surtout le retard à l’allumage de l’apparition d’un vrai schéma national qui freine la machine. Pour chaque façade maritime, le gouvernement avait demandé en mars 2009 la mise en place d’une "instance de concertation et de planification rassemblant l’ensemble des parties prenantes", dont les conclusions devaient être rendues avant le 15 septembre.

Sur la façade atlantique, de nombreux candidats attendent l’aboutissement au printemps du processus, qui n’a finalement été lancé que début décembre 2009. Le plus important est le projet des Deux Îles, qui prévoit d’installer entre Yeu et Noirmoutier 120 éoliennes de 5 MW, de quoi fournir "plus de 70% de la consommation électrique de la Vendée", selon WPD Offshore. La société a commencé ses démarches d’information dès 2007, mais la mise en service ne se fera selon elle pas avant début 2015. A la même date, Nass et Wind envisage un parc de 300 à 400 MW au large du Croisic (Loire-Atlantique). Plus modeste et plus près des côtes, EDF Energies Nouvelles veut implanter 12 éoliennes, soit 72 MW, sur un plateau rocheux situé en face de La Baule.

La Bretagne n’est pas en reste avec notamment trois autres projets de Nass and Wind près de Saint-Brieuc (240 MW), Saint-Malo (200 MW) et Lorient (100MW). La baie de Saint-Brieuc, peu profonde, est aussi le terrain choisi par Poweo pour implanter 200 MW.

Le plus gros : 705 MW en Seine-Maritime

De tous les projets qui luttent pour obtenir le feu vert des autorités, le plus imposant est le parc éolien des Deux-Côtes, au large du Tréport (Seine-Maritime). Depuis quatre ans, la Compagnie du Vent (filiale de GDF-SUEZ) avance en terrain miné, au propre comme au figuré. En janvier 2007, la préfecture avait refusé d’instruire la demande d’occupation du domaine maritime déposée six mois plus tôt. Raison avancée : "l’essentiel de ce projet est situé dans une zone minée lors de la Seconde Guerre mondiale et l’étude de risque a démontré que pour les intervenants de ce projet et les usagers de la mer le danger était réel."

Bien qu’elle indiquait avoir pris en compte le problème en prévoyant un déminage, la compagnie a préféré revoir sa copie en présentant quelques mois plus tard un projet comprenant 141 éoliennes de 150 m de haut et situé à 14 km des côtes. Puissance totale : 705 MW, de quoi approvisionner presque 1 million de personnes affirme la compagnie. La commission chargée du débat public a été nommée début décembre.

Les anti-éolien prennent la mer

Ce débat promet d’être houleux. Déjà aguerri sur le champ terrestre, le combat anti-éolien connaît en effet ses premières batailles navales, comme l’illustre la création de l’association "Sans off-shore à l’horizon" pour lutter contre le projet. "Nous refusons la dégradation irréparable de notre cadre de vie ; de voir bétonner les fonds marins par d’énormes îlots, qui constitueraient autant d’obstacles à la navigation, la rendraient très dangereuse, voire impossible et mettraient en péril les ressources poissonneuses ; et de voir ainsi disparaitre les activités traditionnelles que sont la pêche et le tourisme", s’emporte l’association dans une pétition.

Les éoliennes off-shore ont trouvé un ennemi supplémentaire par rapport à leurs sœurs terrestres : les pêcheurs. Si le comité national des pêches n’est "pas opposé à l’installation des éoliennes sous certaines conditions", au niveau local, l’apparition de ces géantes sur leur pré carré est souvent vue d’un mauvais œil. Les professionnels craignent "des conséquences en terme de dégradation et de modification des habitats marins et en termes de conflits d’usages pour les professionnels (perte de zones de pêche)", explique le syndicat des pêcheurs.

Un avenir encore incertain

Mais les promoteurs ne désarment pas. En plus du parc des Deux-Îles, WPD a déposé en mars un dossier auprès des autorités du Calvados pour un parc de 250 MW le long de la côte de Nacre qu’il espère ouvrir en 2014. L’entreprise est aussi en phase de concertation pour un parc de 300 MW près de Fécamp (Seine-Maritime).

D’autres projets ont été annoncés dans la Manche depuis deux ans, mais les industriels restent discrets sur leur avancement. "Tant que le cadre n’est pas complètement connu, les sociétés gardent pour elles les informations", commente Elodie Peyret DU Syndicat des énergies renouvelables. Le prochain rendez-vous sera l’examen à l’Assemblée du Grenelle II ; Tel qu’il a été voté au Sénat, il devrait alléger les procédures pour l’éolien off-shore, au contraire de son cousin terrestre.

Seule certitude : l’un comme l’autre seront nécessaires pour "verdir" l’électricité française. Le potentiel off-shore français pour 2020 n’est "que" de 30 TWh par an selon l’Agence internationale de l’énergie (l’objectif du Grenelle est lui de 18 TWh). Insuffisant pour répondre seul à une consommation électrique prévue de 450 TWh... Même à plus long terme, malgré un potentiel théorique estimé à 90 TWh par an, l’off-shore ne sera qu’une partie de la solution.

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