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J’ai testé l’achat made in France
dimanche, 27 décembre 2009 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Manger local, bouger local, copuler local, je veux bien, mais cette « locattitude » ressemble au gymkhana de l’écologie, il faut beaucoup d’entraînement avant d’atteindre le nirvana. Où commence et où finit le local ? Pour le contenu de l’assiette, il faut visualiser le périmètre autorisé. J’ai donc ressorti le compas de mes années collège pour tracer un cercle autour de Paris englobant Reims (bulles de champagne !), Dieppe (fruits de mer et poissons), Troyes (andouillette), Blois (légumes et vins de Loire). Environ 200 km en moyenne, c’est de l’ultra-local à l’anglosaxonne, inspiré du régime 100-mile (160 km). En plus d’avoir l’insondable plaisir de siroter du champagne, j’ai la conscience plus tranquille : développer ma consommation de produits locaux réduit mon empreinte écologique globale. Rappelons qu’elle est de 5,2 hectares pour un Français et que la moyenne mondiale s’établit à 2,23 hectares.

Mais le local, c’est du casse-tête en barre. Comme le soja ne pousse pas à moins de 200 km de Paris, il faut renoncer à sa nouvelle vocation d’ovo-lacto végétarien. Et quand on ne peut se passer de sa dose quotidienne de café, alors on s’invente une exception, « l’exception Marco Polo » pour les épices, le thé, le chocolat et le café… Sinon, les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) fleurissent suffisamment partout pour qu’on n’ait pas à acheter des oignons bio d’Egypte ou des tomates marocaines.

Casser sa tirelire Le plus dur, ce sont les fringues. Je veux bien me saper local si cela ne ressemble pas aux pulls que tricotait feu mamie. Car la fringue mondialisée à la H&M, même bio, avale en moyenne 3 000 km. Un simple jean bio parcourt environ 7 000 km : le coton pousse en Inde, la toile est traitée puis cousue en Tunisie avant d’être acheminée en bateau et camion jusqu’au revendeur français. Il faut par ailleurs casser sa tirelire pour s’offrir des pulls Ardelaine tricotés à partir de laine ardéchoise. Le local se mérite. Bien au chaud sous la couette, avec un bon bouquin, c’est pas du loisir local ça ? Sauf qu’en lisant une histoire à Neva, ma filleule de 4 ans, je me rends compte que le bouquin a été imprimé en Chine. C’est le lot de 80 % des livres pour enfants aujourd’hui. Ce n’est pas rien quand on sait que le marché du bouquin de jeunesse écoule plus de 70 millions d’exemplaires par an. Mais comme la délocalisation de l’impression permet d’économiser 30 % des coûts, il n’y a pas photo. A ce jour, je n’ai pas trouvé d’éditeur écolo-local en librairie. Privilégier les éditeurs qui misent sur les encres à base d’huile végétale, des vernis non plastiques, et parfois, des imprimeurs situés à moins de 800 km de chez eux. Si le critère made in France vous titille l’acte d’achat, il faut foncer sur www.lafabriquehexagonale.com un site qui répertorie toutes les entreprises fabriquant dans l’Hexagone.

Pénurie de deux-roues

Ainsi à celui qui insiste pour s’offrir une voiture, pouvons-nous conseiller la Smart (Daimler-Benz) fabriquée en Lorraine, la Yaris (Toyota) à Valenciennes, ou les Scenic, Laguna et autre Espace (Renault) encore assemblées en France. Amazone de la bicyclette, j’aurais adoré m’offrir un Lapierre, une institution dijonnaise qui mitonne des vélos aux petits oignons, mais il me faudra écrire plusieurs livres avant de pouvoir me l’offrir. L’écrasante majorité – 90 %, m’assure-t-on – des vélos vendus dans le commerce sont assemblés en Chine. On trouve cependant des vélos hollandais fabriqués à Romilly-sur-Seine, les produits d’Intercycles à La-Roche-sur-Yon, des scooters électriques comme l’eTricks conçus et fabriqués près d’Alès et non à Jinan Shandong. En revanche, mission impossible pour surfer français : plus aucun produit high-tech n’est fabriqué en France ! Télévision, chaîne hi-fi, baladeur numérique… Idem pour les produits multimédias ou les téléphones portables. Depuis 2004, la Chine est le premier exportateur de produits high-tech au monde. Plus de 70 % des lecteurs de DVD proviennent de l’Empire du milieu et environ 50 % des téléphones portables. Sur le plan de la communication longue distance, la guerre du local est perdue d’avance. —

Illustration : Colcanopa