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Livre : Le réveil du cancre américain
dimanche, 27 décembre 2009 / Arnaud Gonzague

Les pionniers de l’or vert, Dominique Nora, Grasset, 368 p., 20,90 euros.

C’est le cancre fini, le bon dernier qui glandouille au fond de la classe en croquant des Pipasol. Mais un jour, il se réveille et se met à bûcher. Comme un fou. Il attaque ses devoirs, rattrape son retard, dépasse les élèves moyens et rejoint le peloton de tête de la classe. Vous y croyez, à cette histoire ? Non, bien sûr. C’est normal, vous êt es français. Si vous étiez américain, vous n’auriez aucun doute sur sa véracité. C’est ce qui fait la force des Etats-Unis. Là-bas, on sait que l’enthousiasme peut naître là où il n’existait pas et qu’il est capable de soulever des montagnes. L’histoire de ce cancre, la journaliste Dominique Nora la raconte dans son enquête. C’est l’histoire d’un pays de cow-boys, parangon de la surconsommation caricaturale, du gâchis érigé en mode de vie, qui se réveille un jour avec un président noir, une apocalypse économique et une envie de passer à l’économie verte. C’est une contrainte bien sûr, mais on ne parle pas comme ça là-bas où tout carbure au plaisir.

On néologise à tout-va : « greentechs », « cleantechs », « technoptimisme », « ecomagination ». Des mots inconnus dans nos dictionnaires européens pour un bon moment. On voit des patrons – les boss de Google – acheter des armées de chèvres pour ratiboiser leurs pelouses de manière écologique. N’importe quoi ces Ricains ! Du gadget, du spectacle. Oui, mais les mêmes investissent des centaines de millions pour développer des énergies propres. Pas de bonnes intentions, pas de promesses. Du cash lourd et des envies de résultats. « Si l’on arrive à produire de l’électricité propre moins cher qu’avec du charbon, on fera beaucoup d’argent. Pas de doute là-dessus ! », pérore Larry Page, de Google. Aucun patron français ne se permettrait de parler aussi vulgairement d’argent. Il préférerait attendre que l’Etat crée un environnement réglementaire propice à…, des labels capables de…, des obligations légales idoines pour… L’élégance de la tortue, quoi.

Le cancre se marre

Et les écolos américains ? Eh bien figurez-vous qu’ils s’amusent. Un pratiquant de la décroissance donne un conseil au lecteur : « N’abandonnez jamais et essayez de prendre ça comme un jeu. » Un jeu ! Comme si l’on pouvait encore se fendre la poire vu l’état de la planète ! Un autre dépeint son action : « Nous créons des solutions, pas des problèmes. Nous sommes des praticiens, pas des théoriciens. » Vraiment, c’est d’une pauvreté doctrinale… Bien sûr, il y a encore du boulot avant que l’Amérique du 4X4 et de l’obésité entre dans le peloton des meilleurs éléments de la classe écolo. Mais notre petit doigt nous souffle qu’en Europe, nous autres bons élèves allons bientôt regarder le cancre yankee se marrer à inventer des solutions et que dans trois, cinq ou dix ans, on dira : « Eh, mais les gars, pourquoi on ne ferait pas comme lui ? » Si les Ricains n’étaient pas là… —

Photo : Jodi Hilton - The New York Times - Redux - Rea