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Copenhague est mort ? Vive Copenhague !
mercredi, 16 décembre 2009 / Arnaud Gossement (FNE)

Que faire pour que ce sommet soit un "échec fructueux" ? Dans le psychodrame actuel des négociations de Copenhague, la vraie question, celle d’une nouvelle gouvernance mondiale d’une crise climatique globale, peut enfin se poser.

Par Arnaud Gossement, Maître de conférences à Sciences Po Paris, avocat, docteur en droit et Responsable climat de France Nature Environnement.

La bataille des chiffres tourne en rond

Au sommet mondial du climat, les négociations sont à l’arrêt et la bataille des chiffres tourne en rond. Les États-Unis refusent de s’engager plus avant sur des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’attente d’un vote au Congrès qui n’interviendra pas avant plusieurs semaines. La Chine a prévenu : elle ne discutera pas à Copenhague de ses engagements et reste sur une réduction de l’intensité carbone de sa croissance. L’Europe met (un peu) d’argent sur la table pour un financement de l’aide à l’adaptation d’ici 2012 et refuse de faire plus, tant elle craint d’être dans une situation de déséquilibre avec le voisin américain. Les pays du G77 adoptent une position très dure mais en leur sein, quoi de comparable entre Éthiopie et la Chine ? Bref, les négociations n’avancent pas et les technos sont priés de sortir du Bella Center avec l’arrivée des Chefs d’État et de Gouvernement demain. Le pire est donc que ce sommet génère pour l’instant de la division et de la frustration plutôt qu’une synergie.

Un processus à bout de souffle

Le mécanisme de la Conférence des Parties fait la preuve à Copenhague de ses limites. Les ONG sont sorties sans ménagement au moment où les Chefs d’État entrent et les négociateurs veulent continuer à courir tout en faisant du surplace. Pendant ce temps, des milliers d’observateurs restent rivés à leurs écrans d’ordinateurs dans le "computer center" car privés de réunion plénière. Devant le "media center", des politiques de tous pays défilent dans l’espoir d’attirer l’attention des journalistes et d’arracher une interview. Last but not least, dans le vacarme de Copenhague on entend peu le monde de l’entreprise, qu’il s’agisse du patronat ou des syndicats, hormis quelques démonstrations de voiture électrique ou de maisons passives.

La guerre des mots

Comme dans tout processus diplomatique, la bataille des chiffres précède une guerre des mots. D’un côté les chiffres deviennent illisibles, de l’autre, les communiqués pleuvent, les textes s’accumulent et les rumeurs traversent les couloirs. Des mots, des mots, des mots, beaucoup de mots. Le problème est que ceux-ci ont plusieurs sens - comme celui de "réduction" - et que chacun voit midi à sa porte. Exemple : tout le monde réclame un "accord contraignant"… mais qu’est-ce qu’un accord contraignant ? Autre exemple, tout le monde est d’accord sur le principe d’un "financement de l’aide à l’adaptation au changement climatique". Toutefois, le mécanisme exact de collecte et d’attribution des fonds nécessaires reste évasif alors que le montant de l’addition focalise l’attention.

L’apprentissage de la complexité

A cette imprécision du vocabulaire s’ajoute sa complexité croissante qui rend compte de celle du monde et des défis auquel il doit faire face, à commencer par celui du climat. Ainsi, le clivage Nord Sud évolue et l’on parle de pays émergents, de pays en voie de développement, de pays les plus vulnérables, de pays industrialisés. Au nord la Pologne ne s’estime pas riche et au "sud" la Chine devient une grande puissance. Le processus de négociations actuel est celui du monde d’hier où les choses étaient bien plus simples. De la même manière, la question de la crise climatique ne peut être posée sans celle de la biodiversité par exemple. Une vision globale et articulée de la crise écologique devient nécessaire ce que le processus en cours a bien du mal à faire.

Copenhague : un «  échec fructueux  » ?

Une chose est sûre : il n’y aura pas de traité ou de protocole de Copenhague. Le sommet pourrait accoucher d’un simple déclaration politique assortie de décisions sur les processus AWG-LCA et AWG-KP. Dans une hypothèse pessimiste, le sommet aboutira à une énième feuille de route pour la Conférence des parties qui se tiendra à Mexico en décembre 2010. Oui mais voilà : que saura-t-on que l’on en sait déjà aujourd’hui ? Rien. Dans ces conditions que faire pour que Copenhague soit un "échec fructueux" ? L’expression est de James Hansen mais on peut lui donner une portée légèrement différente. Copenhague sera un échec fructueux s’il pose cette question : quel mécanisme d’élaboration continue et de contrôle démocratique des engagements faut-il instituer ? Y répondre nous fera gagner un temps précieux.

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