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Le cas d’école du bisphénol A
mardi, 22 décembre 2009
/ Maximilien ROUER (president de BeCitizen)
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Ce nom vous dit peut-être quelque chose si vous vous êtes attardés récemment au rayon bébé d’un supermarché. Des biberons étiquetés "sans bisphénol A" y apparaissent. Alors qu’il n’en parait rien, cet étiquetage est révélateur d’une nouvelle gestion des produits dans les entreprises, pour lesquelles la toxicité chronique devient un sujet stratégique.
Par Maximilien Rouer, président de BeCitizen, et Sébastien Delpont, consultant
Un toxique chronique est une substance dont l’exposition à faibles doses pendant de longues périodes entraîne des problèmes de santé.
Le bisphénol A est une molécule utilisée depuis 1950 dans certains plastiques, et peut être présente dans les biberons, les CD, ou les canettes... Une controverse internationale existe sur d’éventuelles propriétés toxiques chroniques de cette molécule. Des études récentes ont mis en cause les valeurs établies, tout particulièrement dans le cas des biberons au bisphénol A, étant donnée la sensibilité de la population exposée. ONG et industriels s’opposent sur la question… La confusion persiste jusqu’au sein du gouvernement : "Des études approfondies […] concluent à l’innocuité du bisphénol A", déclarait Roseline Bachelot en mars 2009. Et pourtant, en juin 2009, la secrétaire d’État à l’écologie Chantal Jouanno a demandé à l’AFSSA (Agence Française de sécurité sanitaire des aliments) de reprendre l’expertise sur le sujet. A quand un consensus sur cette question ? Est-il d’ailleurs nécessaire ? En fait, de moins en moins.
Mais surtout, pendant ce temps, Wal Mart, n°1 mondial de la distribution, a réglé cette question aux USA au printemps 2008. La décision a été nette : sans attendre la réglementation, Wal Mart a retiré des rayons les biberons au bisphénol A. Le raisonnement de Wal Mart est qu’un produit sur lequel il existe des soupçons est un produit dont les consommateurs ne voudront pas, une fois informés. Même si les substituts coûtent un peu plus cher, ils les achèteront. La première raison du retrait des rayons est donc économique. La seconde est juridique : il s’agit d’éviter les tribunaux à Wal Mart, dans des procès proches de ceux des industriels de tabac, si procès il y a un jour.
Aucun fournisseur majeur de biberons ne peut se permettre d’être dé-référencé chez le n°1 mondial de la distribution. La révolution du bisphénol A est que la toxicité chronique est désormais perçue comme un risque économique. Ce n’est que le début d’une grande série. Au-delà des risques sanitaires, les risques associés à la toxicité chronique ne sont plus seulement des enjeux réglementaires de long terme mais des enjeux de court terme : risque fournisseur (arrêt de la fabrication d’un produit), risque marché (refus des produits par les clients), risque image (auprès des consommateurs ou des actionnaires), risque judiciaire (poursuites devant les tribunaux si manque de réactivité face aux avancées scientifiques).
L’évaluation économique par les entreprises de ces risques liés à la toxicité chronique va devenir une nécessité, quels que soient les produits, tout au long de leur cycle de vie, de la production à la fin de vie. D’une préoccupation d’ONG la toxicité chronique devient une préoccupation de PDG.