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Wangari Maathai brandit sa ceinture verte
vendredi, 11 décembre 2009 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

A Copenhague, on discute réductions de CO2, mécanismes de développement propre, aide au développement. On dissèque aussi les projets réussis aux quatre coins de la planète. Débarquée du Kenya, la lauréate du Nobel 2004, Wangari Maathai est venue conter l’histoire de son programme : "Ceinture verte" et appeler à plus de solidarité pour l’Afrique.

Dans une salle de conférence bondée du Bella Center, des journalistes et des membres d’ONG, recroquevillés à même le sol, serrés contre les murs, écoutent religieusement un conte figurant des arbres replantés, des sols réhabilités, des communautés ressoudées. La conteuse ? Wangari Maathai, prix Nobel de la paix 2004. Figure emblématique de l’activisme kenyan, elle est venue partager l’expérience de son programme de replantation “Ceinture verte”. “La science nous dit que le changement climatique va avoir un impact négatif et que l’Afrique sera le continent le plus vulnérable parce que nous dépendons fortement des ressources en matières premières, de la terre, de l’eau, des forêts”, explique Me Maathai, regard vibrant sous un fichu orange. Comme d’autres programmes, “Ceinture verte” porte un bout de solution.

Tout a commencé en 77, sous l’égide du Conseil national des femmes kenyane dont Me Maathai était présidente. “Les femmes lui racontaient leurs problèmes : la rareté de l’eau, les maladies, le manque de nourriture... A l’époque, le gouvernement ne redistribuait pas vraiment l’aide au développement, n’aidait pas beaucoup. Les communautés devaient trouver un moyen simple de résoudre ces problèmes par elles-mêmes”, explique Fredrick Njau. Visage fin au dessus d’un costume-cravate, ce chef de projet pour Greenbelt, remonte la genèse du mouvement dans une allée du Bella Center.

Aux premiers rangs : les femmes

Wangari Maathai regroupe les populations en groupes d’une quinzaine de membres. Et leur apprend à replanter des arbres. L’association s’attaque d’abord aux terres privées puis aux terrains des écoles et des administrations, avant de plonger les mains au sol des forêts. Neuf districts sont ainsi peu à peu reboisés. Pour restaurer l’équilibre des sols, retenir l’eau, faire pousser des fruits, capter du carbone. Mais pas seulement. “La replantation n’est qu’une porte d’entrée au sein d’une communauté, souligne Fredrick Njau. Une fois que celles-ci sont rassemblées, on peut aborder d’autres thèmes : le Sida, les droits des femmes... On peut leur apprendre à créer des jardins partagés, à cultiver bio, etc.

En première ligne, les femmes, coeur de cible du Conseil national des femmes kenyannes. Mais aussi les militaires. “En 2004, Me Maathai a mis au défi l’armée. Elle leur a dit : ‘Vous gardez les frontières du Kenya mais sous vos pieds, le pays disparaît, se souvient Fredrick. L’ennemi n’est pas à l’extérieur mais à l’intérieur.” L’armée a suivi, offrant au passage ses hommes et ses camions. Les paramilitaires du GSU (General Service Unit) et les établissements carcéraux promettent de leur emboiter le pas. Mieux, les forêts rendues à leur vie sauvage deviennent manne financière. Elles peuvent créer de nouvelles activités. “On peut y faire de l’élevage d’abeilles, ramasser les champignons, cultiver des plantes médicinales, faire de l’écotourisme..., énumère Fredrick Njau dans un sourire. Elles peuvent aussi s’attirer les investissements des pays en recherche de projet de compensation carbone.

5% seulement de compensation en Afrique

Sauf que pour obtenir le label MDP (Mécanisme de développement propre), le chemin est long. Greenbelt doit monter des dossiers compliqués, payer des experts pour mesurer le potentiel du projet, vérifier plus tard qu’il est bien efficace. “Il faut simplifier les choses, soupire Fredrick. Le Brésil, la Chine, l’Afrique du Sud, parviennent à commencer les projets. Pas l’Afrique.” Car le grand continent, inspirent moins la confiance des investisseurs. Depuis leur introduction avec Kyoto en 97, 75% des projets réalisés l’ont été en Asie contre seulement 5% en Afrique. “Il faut que que les grandes institutions, la banque mondiale, la banque africaine de développement nous aide ”, opine à son tour Me Maathai, avant de reprendre la route vers le repaire des délégations. Voix claire dans un océan parfois trop complexe.

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Photo : Karine Le Loët