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Les 5 forêts sur lesquelles il faut miser
mardi, 8 décembre 2009 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Parce qu’elles sont un atout pour lutter contre le changement climatique, les forêts du monde valent aujourd’hui de l’or. Mais certaines en valent davantage que d’autres.

Et si la meilleure arme pour lutter contre le réchauffement climatique était aussi la plus simple ? Connue depuis longtemps pour être le poumon de la terre, l’Amazonie se place en tête du Forest Carbon Index (FCI), publié par deux think tank américains, Resources for the future et Climate Advisers. Cet indice se base sur la quantité de carbone, le coût des mesures ainsi que des facteurs plus politiques et culturels, comme "la gouvernance du pays, la facilité de conclure des accords commerciaux et le degré de préparation des marchés", explique Nigel Purvis, président de Climate Advisers. En clair : où peut-on frapper vite et fort ? Par exemple en payant les propriétaires pour qu’ils préservent la forêt ou la gèrent plus durablement au lieu de l’abattre sans restriction, ou en alimentant des fonds gouvernementaux destinés à replanter des zones déboisées.

L’étude confirme d’abord que dans la course aux réductions d’émissions, "les forêts sont 25% de la solution globale entre aujourd’hui et 2020, rapporte Nigel Purvis. Même si ce n’est pas un substitut pour les efforts à faire dans les pays industrialisés et l’efficacité énergétique". En matière de coût, la méthode surpasse en tout cas les autres solutions, comme la capture et le stockage du carbone (CSC). "Nous allons avoir besoin de ces nouvelles technologies, mais on peut dès maintenant réduire considérablement les émissions grâce aux forêts. Cela permet de gagner du temps. Elles sont le pont vers le développement d’un économie propre", assure-t-il.

En 2030, les installations de CSC devraient encore coûter entre 30 et 45 euros par tonne de carbone [1]. A comparer avec les énormes possibilités au Brésil et en République Démocratique du Congo, disponibles dès aujourd’hui à environ 8 euros la tonne. Résultat : ce sont 40 milliards de dollars qui peuvent être économisés sur la période 2013-2020 en ayant une politique ambitieuse en la matière, estime le Forest Carbon Index. "Sans compter les co-bénéfices en terme de biodiversité, de sécurité nationale et de réduction de la pauvreté. Car les financements viennent alimenter le budget des pays en voie de développement ou des populations locales", assure Nigel Purvis.

Les perspectives sont alléchantes, mais attention au cadre. "Source de risques financiers, d’inefficacités écologiques et d’injustices sociales, la finance carbone n’est pas la solution, mais une partie du problème", juge ainsi le collectif d’ONG Urgence Climatique Justice Sociale. Pour le faire mentir, Copenhague devra aboutir à une vraie régulation de ces flux. En attendant l’issue du sommet, voici les cinq premières de la classe [2].

1 - Amazonie / Andes

La région accueille trois-quarts des lieux les plus adaptés. "Au Brésil par exemple, bien que le coût des terres soit relativement plus élevé, le système politique et le marché sont largement plus sûrs que la moyenne", commente Nigel Purvis. Surtout que la déforestation y est intense : rien que pour le géant du sous-continent, les émissions associées représentent entre 2,5 et 5% du total mondial. Le Pérou, la Colombie, l’Équateur et la Bolivie abritent également des gisements intéressants. Mais la déforestation y est parfois plus limitée, comme au Pérou, où elle bénéficie surtout à des cultures vivrières de faible étendue.

2 - Bornéo

Avec ses 220 000 kilomètres carrés boisés, l’île de Bornéo se situe à une autre échelle que l’immense Amazonie. Mais elle se place en haut des meilleurs scores du FCI, avec des forêts très riches en carbone et, en Malaisie, une stabilité politique et un cadre économique intéressants. Question gouvernance, ce n’est en revanche pas le cas de l’Indonésie, qui contrôle la partie sud de l’île. La forêt de Bornéo est selon le WWF l’une des deux seules sur Terre à pouvoir accueillir durablement des populations de grands mammifères comme l’orang-outang, l’éléphant et le rhinocéros. Mais elle fait face à une activité économique galopante : la culture de l’huile de palme, qui a grignoté presque 2 millions d’hectares en 20 ans. D’où la nécessité d’allonger la monnaie pour la préserver...

3 - Bassin du Congo

La zone représente 18% des forêts tropicales sur Terre. "Avec plus de 600 espèces d’arbres et 10 000 espèces animales, le bassin du Congo est non seulement le refuge d’une biodiversité incroyable mais également l’un des écosystèmes les plus menacés au monde", précise le rapport. Notamment au Nigeria, qui connaît le taux de déforestation de forêt primaire le plus élevé du globe : "entre 2000 et 2005, le pays a perdu 55,7% de ses forêts primaires", ce qui en fait un "fournisseur potentiellement important de crédits carbone", notent les auteurs. Seulement, "si les terres sont riches en carbone et très peu coûteuses, certains pays connaissent des problèmes de gouvernance", nuance Nigel Purvis.

4 - Est de Madagascar

La préservation des forêts de Madagascar combine deux avantages : elle est peu chère et efficace. Mais, à l’instar de l’Afrique de l’Ouest, la stabilité politique laisse à désirer, comme l’a prouvé le coup d’État de mars 2009, où le maire de la capitale a pris le pouvoir. Les deux principaux moteurs de la déforestation y sont l’agriculture et l’abattage illégal de bois. Deux activités qui menacent également une biodiversité unique : "sur les 10 000 variétés de plantes, 90% ne se trouvent nulle part ailleurs", indique le FCI.

5 - Corridor mésoaméricain

Plus localisées, les zones intéressantes s’étalent entre le Mexique et le Panama. Mais c’est surtout au Nicaragua qu’on trouve le plus grand potentiel. L’activité illégale y représente la moitié de la déforestation et "le décret présidentiel de 1998 interdisant l’abattage de certaines essences et annulant les permis en cours n’a pas réussi à ralentir le rythme, constate l’étude. Comme les propriétaires ne possèdent pas de vrais titres entre les mains, beaucoup d’opportunités existent pour l’appropriation illégale". Le voisin costaricain a en revanche fait ses preuves, avec un "programme en place depuis plus de dix ans où l’État fournit des revenus aux propriétaires pour qu’ils préservent les forêts", affirme Nigel Purvis.

- le site du Forest Carbon Index
- Photo : forêt tropicale, Mt. Kinabalu, Sabah, Malaisie. Crédit : bettaman


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