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Copenhague : un devoir d’enthousiasme !
lundi, 7 décembre 2009 / Arnaud Gossement (FNE)

- Par Arnaud Gossement, Maître de conférences à Sciences Po Paris, avocat, docteur en droit et Responsable climat de France Nature Environnement.

Je suis retourné voir il y a quelques jours le Ministre de l’écologie. L’occasion de faire le point sur la position de la France dans les négociations climatiques. L’état d’esprit du représentant de la France à Copenhague, défenseur d’un plan « justice climat » semble être la même qu’à la veille du Grenelle : voir le verre à moitié plein sera plus utile que de le voir à moitié vide. Une chose est sûre : la 15ème conférence des parties – la « COP15 » - qui s’ouvre aujourd’hui au Bella Center de Copenhague devrait être, à la fois, la plus frustrante et la plus intéressante de toutes.

Le verre à moitié vide. Parler d’un « devoir d’enthousiasme » aujourd’hui paraît bien abstrait tant les motifs d’inquiétude sont nombreux alors que l’enjeu est clair : signer un accord qui mette en phase l’économie mondiale avec les conclusions du 4ème rapport du GIEC, publié en 2007 : diviser, au moins par deux, les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Les « Copenhague-pessimistes » rappelleront que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont déjà crû de 70% entre 1970 et 2004. Ils rappelleront aussi que le protocole de Kyoto n’a pas empêché le seuil de concentration de ces gaz de dépasser les 350 ppm dans l’atmosphère, puis les 385 ppm, s’approchant ainsi dangereusement des 450 ppm et d’une élévation de la température du globe de +2°C. Ils rappelleront enfin, non sans raison, que de s’engager, non sur des moyens mais sur des objectifs pour … 2050 est incertain.

Pour eux, les 15 jours du sommet de Copenhague ne serviront à rien tant on part de loin : les engagements pris par les Etats à la veille du sommet ne représentent qu’une baisse des GES de 12 à 16 % d’ici 2020, loin des 25/40% recommandés par le GIEC. Dans ce contexte, comment faire pour que le pic des émissions mondiales de GES soit atteint au plus tard en 2015 ? A supposer même qu’un accord juridiquement contraignant soit signé à Copenhague, il faut rappeler que 8 années ont été nécessaires pour que le protocole de Kyoto signé en 1997 entre en œuvre en 2005…

Le verre à moitié plein. Le verre est pourtant à moitié plein si l’on veut bien : primo ne pas tout attendre de Copenhague, deuxio penser Copenhague autrement que comme un Kyoto n°2. Depuis la 13ème conférence des Parties organisée à Bali en décembre 2007, la trajectoire a changé malgré la litanie des réunions préparatoires sans résultats concrets. L’Europe s’est engagée sur l’objectif des « 3x20 » en décembre 2008 alors que se déroulait la Cop14 de Poznan : 20% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, 20% d’efficacité énergétique, 20% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020. La Chine et sans doute l’Inde ont accepté de réduire l’intensité carbone de leur croissance. Les Etats-Unis, émetteurs de 23t de CO2 par habitant, ont enfin accepté de s’engager sur un objectif chiffré. Certes, l’objectif américain est encore bien peu ambitieux : - 17% en 2020, par rapport à 2005 soit 4% par rapport à 1990, (base de la Convention cadre sur les changements climatiques).

Cependant, il marque une rupture profonde avec la doctrine climato sceptique de l’administration Bush. Plus encore, dans un contexte de crise économique et sans attendre le vote du projet de loi « Waxman Marquey », la Maison blanche a accepté le principe d’un financement – aujourd’hui fixé à 10 milliards de dollars par an - et celui d’un « accord juridiquement contraignant », et ce, alors même que les Etats-Unis sont réticents à tout transfert de souveraineté et n’avaient pas ratifié le protocole de Kyoto. Ici encore, il faut étudier les trajectoires. Quant au protocole de Kyoto il n’a certes pas permis de freiner les émissions de GES et le recours au marché est pour l’heure bien décevant. Il aura cependant permis la mise en place d’inventaires des émissions, contraint les politiques à penser le long terme et rapprochées analyses économique et écologique. Dans ce cadre, le rapport de Nicholas Stern publié en 2006 sur le coût de l’inaction, estimé à 5500 milliards d’euros a frappé bien des esprits. De même, l’idée d’une taxe verte sur les transactions financières progresse pour financer l’aide à l’adaptation. Enfin, la société civile évolue également. Malgré la crise économique, la sensibilité des citoyens au à la crise climatique demeure réelle et l’action des ONG internationales et régionales ne faiblit pas.

Le sommet de Copenhague peut marquer, davantage que Bali, un nouveau départ et non la fin des négociations climatiques pour l’après 2012. Rien ne serait pire qu’un accord empli de bons sentiments et de promesses non tenues, quand bien même serait-il estampillé « juridiquement contraignant ». Certes, le temps est compté mais pour la première fois de l’histoire, 192 Etats devraient se retrouver sur un constat partagé relatif à la crise climatique, sur des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre et – probablement - sur un financement public et privé de l’aide à l’adaptation pour les pays les plus vulnérables. Beaucoup restera à faire mais le sommet de Copenhague n’est pas une fin en soi : il doit marquer un essai à transformer très rapidement. Pour ce faire, une condition essentielle : une nouvelle gouvernance des négociations et une mobilisation citoyenne sans précédent. L’enjeu du sommet de Copenhague est démocratique tout autant qu’écologique.

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