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Pour la nature, un chien peut être pire qu’un 4x4
mercredi, 2 décembre 2009 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Deux universitaires néo-zélandais ont calculé l’empreinte écologique de nos Médor, Félix ou Titi. Résultat : un chien pèse plus lourd qu’une grosse cylindrée, et deux hamsters qu’un écran plasma. Pis, l’équivalent de 50% de la surface arable en France serait vouée à nourrir nos chers compagnons.

Un homme au volant d’un 4x4 et voilà tous les écolos qui hurlent au scandale. Devant lui, une femme traverse la rue avec son jeune labrador en laisse et s’attire quelques sourires attendris. Et pourtant, le toutou de Geneviève peut peser plus lourd sur la balance environnementale que Robert et sa grosse cylindrée. En tout cas, si l’on considère son empreinte écologique. Pour une année en effet, celle d’un chien de taille moyenne est de 0,84 hectare. En clair, il a besoin de 0,84 hectare de terres agricoles pour faire pousser la nourriture qui le régale annuellement. Tandis qu’une Toyota Land Cruiser de 4,6 litres qui roule 10 000 kilomètres, ne requiert que 0,41 hectare de surface terrestre pour générer l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Certes, cela n’efface pas les émissions en gaz à effet de serre du 4x4, bien supérieures aux seules éructions de nos animaux. Mais la découverte permet néanmoins de mieux comprendre l’impact de nos compagnons à poils ou plume. Elle est née du travail de Robert et Brenda Vale, deux architectes néo-zélandais spécialisés dans le développement durable et enseignants à l’université de Victoria of Wellington. Dans leur ouvrage “Eat the dog” (“Mangez le chien”), les deux époux se sont attachés à traduire en empreinte écologique la nourriture, les voyages, le travail, l’habillement, les hobbies de tout un chacun. Mais revenons à Médor.

1 poisson rouge = 2 téléphones portables

Un chien de taille moyenne a besoin, chaque année, de 164 kilos de viande et de 95 kilos de céréales pour gambader joyeusement. Or, pour un seul kilo de poulet, il faut mobiliser 43,3 m2 de terre – bien plus encore pour le bœuf ou l’agneau - tandis qu’un kilo de céréales requiert 13,4 m2 de terrain. Calculettes en mains, les deux chercheurs ont donc attribué 0,84 hectare d’empreinte écologique pour Médor. Mais pour Rex, le berger allemand, la gamelle annuelle vaut 1,1 hectare consommé.

Amateurs de chats ou de petits rongeurs, ne vous réjouissez pas. Pour un petit félin, c’est 0,15 hectare qu’il faudra mobiliser annuellement, soit autant que pour une Golf Volkswagen, assure encore les Vale, mari et femme. Les hamsters eux grignotent 0,014 hectare chacun. Soit pour deux petits rongeurs l’équivalent d’un écran plasma. Le canari s’en sortira avec la moitié et le poisson rouge avec 3,4 mètres carrés de terre par an. Soit l’équivalent de deux téléphones portables. Vous voilà tout d’un coup amateurs de bébêtes en bocal.

Et les crottes de Médor ?

La France qui, selon une enquête Facco/TNS Sofres parue en 2008, abrite 61,6 millions d’animaux domestiques (7,8 millions de chiens, 10,7 millions de chats, 3,2 millions de petits mammifères, 3,5 millions d’oiseaux et 36,4 millions de poissons rouge), écope donc d’une empreinte écologique de 82 000 kilomètres carrés pour ses seuls êtres à poils, plumes ou écailles. “Or selon le CIA World Factbook [une publication anuelle de la CIA détaillant chaque pays du monde], la surface de terres arables est d’environ 182 000 kilomètres carrés en France. Donc, nourrir les animaux domestiques prend environ la moitié des terres agricoles disponibles !”, souligne Robert Vale.

Pis, la nourriture n’est pas le seul point noir. Au registre des autres fardeaux : les déjections de nos petits compagnons. Selon une étude menée à Nashville, dans le Tennessee, et citée dans un article du "New Scientist" datant d’octobre 2009, les excréments augmentent le niveau des bactéries dans les rivières et menacent la vie aquatique. Les crottes de chat sont particulièrement toxiques. En 2002, une étude menée sur les loutres de mer de la côte californienne, et parue là aussi dans le "New Scientist", montrait que les animaux mourraient d’une affection au cerveau liée à la présence d’un parasite dans les cours d’eau. Un parasite présent aussi... dans les excréments de chats. Sans parler des émissions de CO2, car comme les vaches, nos amis les bêtes domestiques pètent et rotent, mais bon, c’est peut-être pas pire qu’un 4x4 qui roule tous les jours.

Du Canigou bio

Mais que faire alors ? “Nous pourrions avoir moins d’animaux domestiques, des animaux plus petits et les nourrir différemment”, souligne Robert Vale. En leur servant des aliments bio, en les convertissant au régime végétarien aussi. “Un chien peut se passer presque exclusivement de viande mais pas un chat. On pourrait imaginer que dans ce cas, le propriétaire change, lui, son régime pour continuer de servir de la viande à ses animaux”, suggère Robert Vale. A moins qu’un jour les animaleries n’attachent au cou de leurs bébêtes, le poids de leur impact sur la planète. Combien d’hectares pour ce chien dans la vitrine s’il-vous-plaît ?

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- Chang Jiwen, le chinois qui défend la cause animale

- "Time to eat the Dog : The real guide to a sustainable living", Robert and Brenda Vale, éd. Thames & Hudson, 384 pages.
- L’étude sur les loutres de mer dans le New Scientist
- L’étude de Robert et Brenda Vale citée par le New Scientist
- Le sondage Facco/TNS Sofres
- Photo : Simonippon