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La femme écolo-digitale
dimanche, 29 novembre 2009
/ Marjane Foucault
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Chez Nathalie Kosciusko-Morizet, la mémoire est vive. Elle n’a rien oublié de son passage au ministère de l’Ecologie, son terrain de jeu naturel. Elle, qui vivra à distance le sommet de Copenhague, ne peut s’empêcher d’inonder de vert son secrétariat à l’Economie numérique.
« Nom féminin. Excitation anormale de la mémoire » (Larousse). Dans son ouvrage Tu viens paru fin octobre, Nathalie Kosciusko-Morizet se dit victime d’une « hypermnésie pesante ». Pas une maladie grave, juste l’accumulation des souvenirs, l’impossibilité de faire table rase. « J’ai le vertige de l’oubli, des choses qui disparaissent », dit-elle à demi allongée, habillée tout en noir sur son canapé blanc, dans son bureau du secrétariat d’Etat à l’Economie numérique et à la prospective. « Je suis très “ racines ” : j’ai tendance à beaucoup lier les choses à l’histoire, à des événements… Des lieux, des figures qui m’ont marquée. »
Il y a d’abord un deuil difficile, celui de son ancien ministère, l’Ecologie. On est à quelques jours du sommet de Copenhague, et elle n’y sera pas. Elle qui, à Bercy, sous le gouvernement Jospin, travaillait déjà à la préparation du protocole de Kyoto, ne participera pas à cette grand-messe du climat. « Je ne le vis pas mal du tout. J’étais à Buenos Aires, à Johannesburg avec le président Chirac… Et là je n’y suis pas, qu’est-ce que vous voulez. » Et puis, « vous savez, les négociations internationales sont à la fois des moments passionnants et très frustrants, kafkaïens ». Enfin, sur un ton plus sourd, comme à moitié convaincue : « Il faut aussi savoir faire d’autres choses. » Mais c’est du climat dont elle parle sans pouvoir être interrompue. « La stratégie de Jean-Louis Borloo d’aller chercher les pays du Sud est bonne. A Kyoto, les grands absents, c’étaient eux. L’Europe, les Etats-Unis et le Japon se sont focalisés sur la question : taxe ou permis d’émissions ? Les pays du Nord, partant du principe qu’ils étaient les seuls à négocier des objectifs contraignants, n’ont pas travaillé cette articulation avec le Sud. » Quant à l’idée de Borloo d’instaurer une taxe sur les marchés financiers : « C’est une idée qui court depuis longtemps et que je soutiens. On a le plus grand mal, sur la base des financements traditionnels, à associer les pays du Sud, il faut imaginer des choses nouvelles. »
« J’ai dû faire ce ministère à ma main », dit-elle avec une légère mine aristocratique. Celle qui brode et joue de la harpe s’inscrit sur Facebook. Elle blogue, elle twitte (l’annonce de sa grossesse, notamment). On l’entend peu sur les sujets qui fâchent : sans jamais rompre la solidarité gouvernementale, elle s’est débrouillée pour laisser entendre aux militants anti-Hadopi (2) qu’elle ne croyait pas à la loi. On l’entend davantage sur le lancement des « ateliers de l’élu 2.0 », où elle forme des parlementaires aux joies du réseau. « Vous devriez venir voir, ce n’est pas un gadget ! » Surtout, dès qu’elle le peut, elle parle de « verdure technologique », commande sous sa casquette « Prospective » des rapports sur le statut des réfugiés climatiques ou le prix de la biodiversité, glisse des experts en écologie au beau milieu des discussions sur le grand emprunt… « Je me tiens très informée du green business : j’ai préfacé des livres, je vois toujours des contacts très anciens, parfois devenus de vrais amis comme Nicolas Hulot et Cécile Ostria, la directrice de sa Fondation, Allain Bougrain-Dubourg ou Serge Orru du WWF. »
Il y a enfin sa généalogie. « La tarte à la crème de mes portraits : le père, le grand-père, l’arrière grand-père et le trisaïeul. » Respectivement maire divers droite de Sèvre, ambassadeur – gaulliste – de France à Washington, sénateur maire PCF puis SFIO de Billancourt, politicien en Pologne puis aux Etats-Unis. « Si on pouvait, on remonterait jusqu’à Adam et Eve. » Car si elle est « très racines », NKM cherche surtout à ne pas faire « fille de ». « Ma famille a une particularité, nous ne faisons jamais de politique au même endroit, nous n’avons pas de fief. » Côté racines, elle a pris la suite d’une lignée d’hommes. Côté filiation, son mari a cédé : c’est elle qui a légué son nom à ses deux fils. —
(1) Paru aux éditions Gallimard : www.tuviens.fr
(2) La loi Hadopi ou loi « Création et Internet » sanctionne le partage de fichiers en pair à pair en tant qu’infraction au droit d’auteur.
2002 députée de l’Essonne
2004 rapporteur de la Charte de l’Environnement devant l’Assemblée
2007 secrétaire d’Etat à l’Ecologie
2008 maire de Longjumeau, secrétaire générale adjointe de l’UMP
Janvier 2009 secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du développement de l’Economie numérique
Son geste vert : Elle cultive des orchidées dans son bureau du ministère, jamais de fleurs coupées.
Photo : Lionel Charrier -M.Y.O.P