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Le climat dans le viseur
dimanche, 22 novembre 2009
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Membre du collectif Argos, Laurent Weyl court le globe pour photographier les populations victimes de l’effet de serre. Portrait d’un passionné d’images utiles.
Bilal rêve d’être chanteur. Comme son père. Mais les inondations continues, conséquences directes du réchauffement climatique au Bangladesh, le contraignent à ramasser les crevettes des fermes pour les revendre au marché. Laurent Weyl l’a pris en photo. Photographier les hommes dans leur détresse, c’est son job. Si certains politiques ignorent encore l’existence de ces réfugiés, ils ne pourront pas rater les images de cet artiste engagé pendant le sommet de Copenhague. En décembre, elles couvriront les façades de l’Ambassade de France, de l’Agence européenne pour l’environnement et de l’Académie des Beaux Arts.
La photo, c’est sa force… et sa passion, depuis toujours. Ado, Laurent a commencé par s’intéresser aux anciennes usines abandonnées de Strasbourg, sa ville d’origine. Débrouillard, il développait ses photos dans sa cave, son « labo ». Naturellement, il a fait une école de photographie. Le MI21 à Montreuil. Diplômé en 1992, il enchaîne les stages. Chez Magnum, où il « apprend à lire les images ». Puis il assiste des photographes en studio pendant 7 ans. Parallèlement, il commence à réaliser ses propres photos. Avec la même idée en tête : le reportage social. Sensible au destin des hommes, il axe son premier travail sur les mineurs isolés demandeurs d’asile. Trois mois d’enquête, un mois de reportage, 15 photos seulement. Une galère : « Il m’a fallu demander l’autorisation du tuteur de chacun des enfants, mais je ne savais pas lequel j’allais retenir ». Prendre les visages à découvert sur le vif, c’est ce qui l’intéressait. Mais la loi française sur la protection des mineurs est restrictive : « Ça m’a coupé l’envie de travailler en France ».
Ses efforts finissent par porter leurs fruits. Marie-Claire publie ses photos. « Ça m’a lancé », reconnaît-t-il. Si bien que à la suite de son travail sur les prêtres-ouvriers en 2000, il reçoit le prix Monographies des Editions Filigranes. Aujourd’hui encore, il collabore avec Geo, Flair Italie, le Figaro Magazine, Marie Claire ou El Pais. Mais sa plus belle reconnaissance reste la sélection de son reportage sur les îles Haors au Bangladesh, pour les 30 ans du Figaro.
En 2005, après deux semaines d’enquête, un processus de validation par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et une subvention de l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), Laurent Weyl part à Tuvalu avec son coéquipier, le journaliste Donatien Garnier. Là-bas, il partage et observe le quotidien des Tuvaluans. Leur nourriture et leurs chants, la pêche aux poissons et la récolte des noix de coco... et leur crainte de devoir quitter leur île. Plus qu’un morceau de terre de 2,6 km2, c’est un peuple et sa culture qui va sombrer.
A travers son travail, il cherche à éveiller les consciences des politiques. Il y croit : « Nos images sont aussi fortes que ce qu’expliquent les scientifiques », souligne-t-il. Ses photos montrent une jeune écolière qui dessine la future inondation de Tuvalu, des enfants encore insouciants qui jouent sur le sol détrempé... Il bannit les images catastrophes : « Je n’ai jamais voulu tomber dans l’anxiogène ». Sur les 32 photos qu’il a rapportées de Tuvalu, il a « gardé quelques images émotion ». Comme celle d’une grande vague qui vient s’abattre sur l’île. Mais la vague dévastatrice des grandes marées, il ne l’a pas vu : « Je ne suis jamais tombé au bon moment », regrette-t-il.
Capter la singularité de vie de ces réfugiés climatiques, tel était son challenge. Mission accomplie. Ses photos ont été publiées en 2007 dans le livre du collectif Argos « Réfugiés climatiques ». Préfacé par Jean Jouzel, climatologue expert au GIEC, qui explique avoir « accepté tout de suite », l’ouvrage est aujourd’hui en rupture de stock. Mais il sera réédité aux éditions Carré et coédité par les éditions américaines MIT (Massachusetts Institute of Technology) : « Ce qui crédibilise d’avantage notre travail », d’enthousiaste Laurent.
Le photographe compte bien repartir dans quelques années à la rencontre de ses photographiés, voir « où ils en sont ». Pas par simple curiosité : « Il est touché par l’importance de la thématique. Son action dépasse le simple témoignage », explique Fanny Héros de l’association Alofa Tuvalu qui l’a mis en contact avec les Tuvaluans. Avec lui, elle court les colloques pour essayer de sauver le peuple Tuvaluans. Dans quelques années, Laurent Weyl y retournera. Il ne les lâchera pas. En attendant, il va continuer d’observer l’homme mais dans les mégalopoles. On attend plus que les photos.
Portrait rédigé pour Terra eco par Gabrielle Leclair, étudiante au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes)
Bio express
1971 : Naissance à Strasbourg
2001 : Entrée au collectif Argos
2005 : 1er photoreportage à Tuvalu et au Bangladesh
2007 : Sortie du livre du collectif Argos : « Réfugiés climatiques »
2009 : Exposition des photos du livre « Réfugiés climatiques » sur les façades de l’ambassade de France, de l’agence européenne de l’environnement et de l’académie des Beaux Arts à Copenhague