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Lobbyiste du climat
dimanche, 22 novembre 2009
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A 35 ans, Sandrine Mathy a déjà un emploi du temps de ministre, qu’elle partage entre son travail de chercheuse au CNRS et la présidence du Réseau Action Climat (RAC). A quelques jours du sommet de Copenhague, rencontre avec l’une des lobbyistes françaises les plus compétentes sur le sujet.
Militante ? « Oui, c’est un sacerdoce, mais ça donne du sens à ma vie. » Sandrine Malthy, chercheuse en économie de l’environnement, tient les rennes du Réseau Action Climat (RAC) depuis 2006, un collectif d’associations qui fait référence en matière de lutte contre le changement climatique. Être née en 1974, au lendemain du second choc pétrolier, prédestine-t-il à acquérir très vite des réflexes verts ? « Éteindre la lumière quand on sort de la pièce ou couper l’eau pendant que l’on se brosse les dents ? » : Sandrine Malthy en rit comme pour rejeter tout héritage familial. Tout juste consent-elle à rappeler, sourire au coin, que son papa « fait son jardin depuis toujours » et qu’il « ne met ni engrais ni pesticides ». Un peu juste pour se forger une conscience verte. C’est donc seule que sa destinée de militante écologiste s’est forgée.
Au cours de ses études d’ingénieur, elle rejoint l’Inde. Ce voyage « confirme une sensibilité déjà présente. Étudiante, je travaillais déjà bénévolement pour Ingénieurs sans frontières. Cela m’a permis de me poser des questions sur le monde dans lequel on vit. » A la fin de ses études, c’est l’heure des choix : « Si j’étais partie bosser dans le privé, je n’aurais jamais obtenu les réponses à mes préoccupations de militante. Du coup, comme les problématiques environnementales sont étroitement liées au secteur économique, je me suis lancée dans l’éco. » Une thèse sur l’intégration des pays en développement dans les politiques climatiques, un poste de chargée de recherche au CNRS en économie de l’environnement au CIRED (Centre International de Recherche en Environnement et Développement), de multiples publications et colloques : sa route est tracée. Enfin presque. En 2006, en acceptant la présidence du RAC, la vie de la jeune femme bascule.
Avec sa tignasse rousse, ses yeux pétillants et sa tenue décontractée, Sandrine Mathy ne passe pas inaperçue. Quand elle prend la parole, elle est de celles que l’on écoute. Avec un CV long comme le bras en guise de caution, la jeune femme n’a peur de rien, ni de personne. Beaucoup disent s’être sentis intimidés face à Nicolas Sarkozy. Pas elle. « Je l’ai vu souvent. Je le trouve hautain et agressif, mais cela ne m’a jamais empêchée de lui dire ce que j’avais à lui dire, notamment sur son paquet énergie-climat, dont il n’y avait pas de quoi se vanter… » La franchise est sa vertu cardinale. On la croit sur parole. « Mais je manque parfois d’assurance. » Là, on ne la croit plus. L’un des administrateurs du RAC confirme pourtant : « Elle a parfois du mal à se mettre en avant, à être proactive, mais elle s’est nettement améliorée depuis le Grenelle. »
Si Sandrine Mathy laisse planer un léger doute sur son futur, c’est qu’elle confie se retrouver souvent à bout de souffle. Elle a ainsi prévenu ses collaborateurs que l’envie d’arrêter la titillait parfois. « Ce serait une grosse perte pour le RAC, confie un administrateur. Elle est reconnue dans son domaine, elle dispose sous la main d’un réel réseau et d’une notoriété qui nous sert. Et puis, elle est très appréciée humainement. » Entre son travail, de recherche et la présidence du RAC, elle a peu de temps à accorder à son fils et à son compagnon. « Parfois, il y a une vraie lassitude, car je donne souvent des conférences le soir, après ma première journée de travail. J’ai souvent des jours à rallonge, et mon boulot de chercheuse peut en pâtir... » Mais son entourage est toujours là pour la rebooster.
Intègre et intelligente, Sandrine Mathy fait l’unanimité dans son milieu. Même si « elle est têtue et capable de partir défendre seule son idée contre tous », confie un collègue. Un défaut autant qu’une qualité. Autre (vrai) défaut ? « Elle adore les chouquettes », confie un autre. La gourmandise, péché véniel... « J’aime bien faire de la moto de temps en temps », avoue-t-elle, un peu gênée. Ah, enfin un truc qui cloche ! Et qui ne tient pas longtemps quand elle raconte ne grimper à bord d’un avion que dans le cadre professionnel, ne se déplacer qu’à vélo, ne manger que des produits bio et utiliser des ampoules basse consommation. Soit. Si la femme parfaite n’existe pas, avec Sandrine on a peut-être trouvée la militante écologiste idéale.
Portrait rédigé pour Terra eco par Benjamin Bonneau, étudiant au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes)
Bio express
1991-94 : Math-Sup et Math-Spé au lycée Henri IV à Paris
1997 : Diplôme d’ingénieur de l’école nationale supérieure
des techniques avancées (Paris) et premier voyage en Inde
2002 : naissance de son fils
2004 : Doctorat en économie de l’environnement (thèse sur
l’intégration des pays en développement dans les politiques climatiques)
et rentre au CNRS
2006 : Présidente du RAC