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La délocalisation, version polar
jeudi, 1er juillet 2004 / Capucine Cousin

Sous les habits classiques du polar, Philippe Rosé sert une intrigue à peine futuriste, mêlant mafia high-tech indienne et patrons véreux de start-up. Indian connection, un éclairage ludique et décalé sur la délocalisation.

Philippe Rosé. Indian connection. Bourin Editeur, 365 p., 19 euros.

Il y a un cartel secret d’hommes d’affaires indiens, rassemblés au sein de l’Ordre Veda. En fait, une entreprise de lobbying destinée à mener la guerre des technologies de l’information à l’Occident, en vendant des programmes informatiques à prix très compétitifs. Ses armes ultimes : la manipulation des programmes informatiques, le chantage et l’espionnage industriel. Il y a aussi une grande entreprise française d’ingénierie technologique. Celle-ci devient la cible d’une tentative d’OPA menée par une mystérieuse société, au moment même où la révélation de malversations financières provoque la chute de son cours en Bourse. Il y a un détective privé, adepte de l’intelligence économique et du hacking. Il y a, encore, la police de la Silicon Valley, un meurtre mystérieux sur les bras. Il y a, enfin, un jeune ingénieur indien un peu trop curieux, qui découvre quelques secrets sur sa propre entreprise...

Flics usés et patrons schizos

Indian Connection est le premier polar de la délocalisation, que livre le journaliste Philippe Rosé, un passionné de cybercriminalité. Si l’intrigue sent le déjà lu ou vu - manipulations financières, guerre de l’information, piratage informatique... - l’auteur s’empare avec habileté des poncifs du thriller (flics usés, tueur à gages, mafieux, patron schizo, détective privé) pour les détourner. Mieux, il manie une réalité socio-économique - la délocalisation et le développement informatique offshore - pour en faire un récit fidèle. Entre autres personnages, l’informaticien indien incarne à la perfection cette classe moyenne, "qui voit en l’informatique le seul moyen de sortir de sa condition sociale". Et où 300000 "heureux élus" ont été recrutés dans l’informatique entre 2000 et 2003, "face à la demande de développement de programmes informatiques off-shore".

Atmosphère géopolitique tendue

Enfin, l’ouvrage ne manque rien des lieux de la globalisation, de l’univers des start-up de Santa Clara (Californie) à celui de Mumbai, une des capitales économiques d’un monde en développement. Le tout, dans une atmosphère géopolitique pour le moins tendue. Chez les riches tout d’abord, avec l’annonce par IBM en décembre dernier, de la délocalisation de 4700 emplois. Un "tremblement de terre social, qui allait toucher l’industrie high-tech américaine. (...) Nul doute que tous les autres vont suivre ou accélérer le mouvement de délocalisation". Mais aussi chez les pauvres : la rébellion indienne face à l’Organisation mondiale du commerce lors du Sommet de Cancun (Mexique) en 2003, est un autre révélateur de la nouvelle force de frappe économique d’une puissance indienne en devenir.

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