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Bâtiment : la Chine au pied du mur
jeudi, 26 mars 2009 / Hélène Duvigneau

En proie à une urbanisation fulgurante, la Chine peine à réduire la facture énergétique de son habitat. Jun Li, chercheur à l’IDDRI et auteur d’une thèse sur le sujet, propose des pistes d’action.

Avec 1 milliard de m2 construits tous les ans jusqu’en 2020, la Chine est comme un cheval au galop sur la route de l’urbanisation. Sans maitrise de sa facture énergétique, alors même que 60% de ses besoins sont couverts par le charbon, elle court à la catastrophe environnementale dans 20 ans.

Les normes thermiques chinoises dans le bâtiment sont-elles suffisantes ?

La Chine n’est pas inactive en matière de réglementations thermiques. Plusieurs sont entrées en vigueur depuis les années 1990, mais elles ne sont pas suffisantes. A l’heure actuelle, l’application de ces normes ne permet pas d’atteindre un niveau optimal. Or dans un contexte de développement économique urbain rapide, le 1er défi est de maitriser la qualité de ses infrastructures afin de viser une croissance sobre en énergie et en émissions de CO2.En Chine, la consommation d’énergie dans les bâtiments pourrait être réduite de 100-300 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep) en 2030, ce qui signifie que 600-700 millions de tonnes d’émissions de CO2 pourraient être évitées par la mise en œuvre de politiques énergétiques appropriées. Si en revanche les logements construits aujourd’hui ne sont pas efficaces, le prix à payer se ressentira dans 20 ans avec la hausse du niveau de vie, donc de la demande en énergie.

Quels sont les obstacles à la mise en place de réglementations plus efficaces ?

La prise de décision est parfois très délicate dans la mesure où les gouvernements locaux sont soumis à une double contrainte : développement économique à court terme et épuisement des ressources à plus long terme. Il y a également une grande différence entre la réglementation sur le papier et sa mise en œuvre sur le terrain. Cela vient du manque d’éducation des chefs de chantier, mais aussi de la complexité de la chaine de construction, qui se caractérise par une multiplicité d’acteurs. C’est enfin une question de qualité des matériaux et de cadence trop rapide des rythmes de travail. En revanche, je ne pense pas que les promoteurs détournent volontairement les réglementations pour une question de coût, dans la mesure où la réglementation thermique représente 5 à 7% du prix total.

Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments ?

Trois instruments peuvent être mis en place. Les municipalités peuvent d’abord jouer sur la valeur foncière d’un terrain et accorder un coefficient de construction (donc une surface) plus élevé à un promoteur qui s’engagerait à bâtir des logements plus efficaces. Le prix du terrain resterait le même, mais la mairie jouerait sur la valeur foncière. L’autre piste consiste à faire passer le bâtiment dans le système de crédits carbones : si l’ensemble du secteur s’engage à respecter une norme plus performante, il pourra vendre les crédits sur le marché international. Enfin, il faudrait impliquer les compagnies de chauffage pour qu’elles financent des actions de maîtrise de l’énergie. Ce qui suppose aussi de réformer les tarifications du chauffage urbain de manière à ce que les consommateurs payent au pro rata de leur consommation et non de la surface habitée.