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Spirou au pays du développement durable
jeudi, 23 septembre 2004 / Arnaud Gonzague

La dernière aventure de Spirou, Paris sous-Seine, surfe de manière futée sur les préoccupations écologiques et humanistes d’aujourd’hui.

Morvan et Munuera, Paris sous-Seine, Spirou et Fantasio tome 47, éd. Dupuis, 49 pages, 8,20 euros.

Tous les fans de Spirou le savent : les changements d’auteurs qu’a connu cette série plus que cinquantenaire, marquent à chaque fois une période incertaine, qui rallie des adeptes et fait gémir des déçus. La 47e aventure du groom rouquin, Paris sous-Seine, n’échappe pas à la règle. Il faut dire que les petits nouveaux, Morvan et Munuera, ont la difficile tâche de succéder à Tome et Janry, qui avaient hissé la série à un niveau de qualité (presque) digne de maître Franquin.

Bilan ? Paris sous-Seine s’en sort gentiment, même si le dessin - ô combien lisse - patouille encore un peu. Mais l’intelligence du scénariste est d’avoir fait de Spirou un personnage d’aujourd’hui, écolo et progressiste. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau : contrairement à ceux de Tintin, les bons albums de la série sont presque toujours marqués par leur humanisme, de l’antimilitariste Dictateur et le Champignon (1956) à l’antiraciste Rayon Noir (1993) en passant par l’écolo Nid des Marsupilamis (1960) et par l’anti-nucléaire Ankou (1977).

Profits versus humanisme ?

Paris sous-Seine offre la vision d’un Paris noyé sous les eaux, évoquant furieusement les possibles conséquences de l’effet de serre, dénoncés dans l’exposition Climax (laquelle nous avait nous aussi traumatisés, voir Terra economica numéro 5). Pas de hasard : les notions de développement durable irriguent tout l’album. Ainsi, le comte de Champignac, mycologue génial dont les inventions constituent souvent le point de départ des intrigues, ouvre l’opus en déclarant : "Finies les inventions abracadabrantes, l’humanitaire sera mon nouveau credo. Vous avez devant vous un Champignac enfin responsable". Sa dernière invention, le Nébulozitor, permet d’ailleurs de transformer l’eau en nuage, dirigeable sur les pays de la soif !

Sauf qu’en face de lui, se dresse la machiavélique Miss Flanner, laquelle estime que Champignac utilise son génie à mauvais escient "Prenez le Nébulozitor... C’est une idée grandiose, mais comme d’habitude, vous n’oserez jamais en tirer profit". Elle, en tout cas, se permet d’inonder Paris et affiche un réalisme très productiviste à propos de cette catastrophe : "La reconstruction créera des emplois... Ce sera une chance dans un pays où la lutte contre le chômage est LA priorité gouvernementale." Bref, Paris sous-Seine dépeint le dilemme de la science à l’heure du développement durable, tiraillée entre le trio profits-croissance-consommation et l’envie d’améliorer le sort du monde. Dans la BD, Champignac gagne à la fin. Et en vrai ?


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