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Le monopole du coeur
mercredi, 23 janvier 2008 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Au Royaume-Uni, une banque propose de donner aux associations caritatives. Sans que cela ne coûte un penny.

Son credo : réconcilier la tête économe et le cœur généreux. A la Charity Bank, les deux marchent de concert. Pour jouer, il suffit à M. Smith d’ouvrir un compte et d’y placer quelques économies. Il se voit alors offrir 2 % d’intérêt et quatre idées. M. Smith peut, tout d’abord, choisir de les verser à la Charity Bank pour assurer ses frais de fonctionnement. Ou bien, deuxième solution, à la Charities Aid Foundation (CAF), creuset d’associations britanniques.

Il peut encore renflouer les caisses du club de défense de la carotte au coin de sa rue ou celles de toute autre association à but non lucratif de son choix. Enfin, il a le droit d’encaisser gloutonnement les 2 %. Et son âme n’en sera pas noircie pour autant. Car de ses économies intelligemment semées sur le marché boursier, la banque tirera 2 à 3 % supplémentaires. De quoi payer ses coûts de fonctionnement et assurer sa deuxième mission : le prêt aux associations caritatives.

Supplément d’âme

"Il s’agit pour nous de poser la dernière pierre à un projet associatif, cette petite somme supplémentaire qui manque après l’addition des aides et des bourses", explique Robert Dyke, responsable du développement. Au registre des projets ainsi rendus possibles : la réfection d’une salle de concert de Londres, la restructuration d’un institut pour les handicapés mentaux d’Edimbourg, l’achat d’un bureau faiblement émetteur de CO2 pour une association de Glasgow spécialisée dans le développement durable. A 6 %, le prêt proposé par la Charity Bank n’est pas le plus compétitif. Mais l’atout de la banque se trouve ailleurs. Moins exigeante que ses consœurs, elle allège la pile de paperasse à fournir. Ici, on ne demande pas de garantie personnelle, on ne pénalise pas non plus les remboursements anticipés.

"Dans le calendrier d’une association caritative, il n’est pas rare qu’une donation imprévue apparaisse. Par exemple, lors d’un héritage, raconte Mark Howland, responsable de la communication. Nous le savons et nous en tenons compte." Et c’est ce petit supplément d’âme qui incite les associations à venir emprunter ici. "Nous connaissons le milieu associatif puisque nous en faisons nous-mêmes partie ", rappelle Mark Howland. De fait, l’association possède un drôle de statut. Mi-banque, mi "charity", elle navigue sur un créneau unique au monde. Lancée à l’essai en 1993 à l’initiative de la Charities Aid Foundation, elle avait pour mission de faciliter la vie financière de milliers d’associations caritatives. Pari réussi. Depuis dix ans, la Charity Bank a prêté 74 millions d’euros à plus de 500 associations. Par ricochet, elle se targue ainsi d’aider plus de 3 millions de bénéficiaires, soit un britannique sur 20.

Ravalement de façade pour les banques

De l’autre côté de la balance, les donateurs font le poids. Parmi eux, des compagnies comme Vodafone ou The Body Shop, des associations comme le Peabody Trust spécialisé dans le logement social, ou le Northmoor Trust œuvrant pour la défense de l’environnement. Parmi les donateurs aussi, des banques : la Bank of Scotland, la Barclays ou encore la NatWest. "Avec nous, elles peuvent jouer sur le tableau caritatif, redorer leur blason, sans prendre de risques", assure Philippa Steel, administratrice de comptes. Le cœur oui, mais surtout la tête.

Le site de la Charity Bank