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La sécurité de l’EPR en question
mardi, 3 novembre 2009 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Coup de sifflet des gendarmes du nucléaire. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et ses homologues britannique et finlandaise mettent en doute la sécurité de l’EPR, le réacteur nucléaire de 3ème génération d’Areva, en construction à Flamanville (Manche), en Finlande et tout récemment en Chine.

Sale temps pour le nucléaire française. Dans une déclaration commune sans précédent, les trois autorités de sûreté somment Areva et les futurs exploitants des centrales de repenser "la conception initiale" de la troisième génération de réacteurs nucléaires, plus connue sous le nom d’EPR. En cause, le logiciel de contrôle-commande, qui assure deux fonctions : le pilotage du fonctionnement normal de la centrale et la gestion des dysfonctionnements. "L’indépendance de ces systèmes est importante", insiste le communiqué, puisqu’ils "ne doivent pas faillir simultanément". Or, les interconnexions sont actuellement trop importantes pour en être sûr.

Un défi de plus pour Areva, qui doit déjà faire face à des difficultés dans la construction de l’EPR finlandais d’Olkiluoto. Le premier projet de réacteur 3ème génération lancé accuse en effet trois ans de retard et a vu passer son coût de 3,3 à plus de 5 milliards d’euros. Au point de susciter des bisbilles entre le constructeur, Areva, et le client, l’électricien TVO.

De son côté, EDF, qui exploitera le futur EPR de Flamanville, a reçu un courrier de l’ASN en forme de devoir à la maison : "compte tenu de l’ampleur et de la complexité des démonstrations restant à fournir (…) la certitude d’aboutir in fine à une démonstration de sûreté acceptable fondée sur l’architecture actuellement prévue n’est pas acquise. C’est pourquoi, outre les efforts que vous poursuivez pour justifier la conception proposée, il vous appartient d’examiner dès à présent des dispositions de conception différentes. (…) Vous présenterez à l’ASN les principales orientations envisageables pour fin 2009." En clair : EDF doit préparer, et fissa, une solution de rechange…

Réactions en chaîne

Du côté des deux groupes français, on joue la carte de la confiance, assurant que cet épisode n’aura pas d’incidence sur la livraison en 2012 d’Olkiluoto et de Flamanville. "Cette démarche de dialogue permanent entre les exploitants, les constructeurs et les autorités de sûreté fait partie intégrante du processus de certification et de construction des nouveaux réacteurs", a réagi Areva.

Du côté des opposants au nucléaire, l’occasion est trop belle. Les Verts, Cap 21, Greenpeace et le Réseau Sortir du nucléaire notamment ont immédiatement plaidé pour l’arrêt de la construction de Flamanville et l’abandon du projet de 2e EPR à Penly (Seine-Maritime). Même le PS, par la voix de la députée de Moselle Aurélie Filipetti a jugé bon de créer "une commission d’enquête parlementaire sur la sûreté nucléaire, le traitement des déchets nucléaires, la décontraction des sites et le lancement d’un débat national sur le nucléaire".

Il faut dire qu’au-delà de son avenir, représenté par l’EPR, la filière est sous le feu de critiques sur sa transparence et sa gestion actuelle, suite à la diffusion du documentaire "Déchets, le cauchemar du nucléaire" et aux "découvertes" de plutonium et d’uranium sur un site de Cadarache. Même son efficacité est discutée, alors qu’un tiers du parc français est actuellement à l’arrêt. Et Outre-Manche, la pilule du coût a du mal à passer depuis que le Guardian a révélé un projet de taxe destiné à assurer la construction de huit centrales.

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