https://www.terraeco.net/spip.php?article7065
De l’éthanol fait maison pour remplacer le pétrole
mercredi, 21 octobre 2009 / Anne Sengès /

Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

Une pompe à éthanol installée chez soi pour briser le monopole des rois du pétrole ? C’est le pari fou que s’est fixé le californien Thomas Quinn, inventeur du MicroFueler, une machine à fabriquer de l’éthanol qui permet d’abreuver votre véhicule et de recycler vos déchets.

Créateur du premier prototype de commande à détection de mouvement pour les consoles de jeux Nintendo, l’entrepreneur Thomas Quinn, désormais à la tête de la société E-Fuel, basée à Los Gatos dans la Silicon Valley, n’hésite pas à se décrire comme un révolutionnaire dans l’âme. Après avoir vendu il y a quatre ans, au français Thomson, sa start-up Gyration qui a révolutionné le monde des jeux vidéo, il a voulu s’attaquer à un autre défi : tenter de résoudre la crise énergétique en réduisant notre dépendance au pétrole. Or, selon Thomas Quinn, la seule façon de résoudre la crise est de trouver un remplacement liquide au pétrole, car les batteries électriques n’arriveront jamais à surpasser l’or noir en matière de densité énergétique. « Sachant qu’on peut fabriquer de l’éthanol à partir de déchets organiques, je me suis attelé à trouver une technologie de rupture permettant aux gens de fabriquer leur propre éthanol dans leur garage ou jardin », raconte-t-il.

« Nous avons passé trois ans à développer un système susceptible de digérer tout type de déchets bio riches en sucre et suffisamment facile à opérer », ajoute l’entrepreneur tout en rappelant que fabriquer de l’éthanol est quelque chose qu’on sait faire depuis l’antiquité, l’éthanol produit par fermentation de sucres naturels n’étant rien d’autre que de l’alcool (imbuvable par ailleurs). Pour l’aider à développer le MicroFueler, Thomas Quinn s’est assuré les services de Floyd Butterfield, ingénieur spécialiste de l’éthanol, trouvé grâce à une recherche sur Google des experts en la matière.

Faire son éthanol chez soi ?

Le MicroFueler est, selon le PDF d’E-Fuel, la meilleure façon de briser le monopole des géants pétroliers car il redonne le pouvoir aux consommateurs. Pas besoin pour autant de déclencher une révolution. Thomas Quinn peut dire merci au président Jimmy Carter qui, lors de l’embargo pétrolier des années 70, a incité le Congrès à voter une loi autorisant les particuliers à fabriquer de l’éthanol à raison de 10 000 gallons, soit 37 854 litres par an et 500 000 gallons pour les entreprises (1,892 millions de litres), à condition cependant de ne pas commercialiser leur production faite maison. Vendu 10 000 dollars l’unité, le MicroFueler, équipé d’une pompe qui permet de faire le plein, est vite rentabilisé selon son inventeur. La plupart des États remboursent jusqu’à 50% du prix d’achat en crédit impôt. « Sachant par exemple qu’en Californie, l’essence est en moyenne à 3 dollars le gallon, si vous achetez un MicroFueler (qui contient 250 gallons soit 946 litres) et suivez un séminaire sur la fabrication d’éthanol, vous serez en mesure de produire votre propre fuel pour 25 cents le gallon », affirme Thomas Quinn. Mais l’idée de rendre le pouvoir aux consommateurs a cependant ses limites puisqu’un Américain moyen ne produit pas assez de déchets pour fabriquer suffisamment d’éthanol pour faire carburer son véhicule qu’il devra de plus équiper d’un kit de conversion à l’éthanol (entre 300 et 600 dollars le kit).

45 kilos de déchets organiques et 6 kilos de sucre par gallon

Car il ne faut pas moins de 6 kilos de sucre pour fabriquer un gallon d’éthanol ce à quoi il faut ajouter 45 kilos de déchets organiques... Ce qui complique la recette. Selon les chiffres de Thomas Quinn, l’Américain moyen consomme 4.5 gallons par semaine. A moins d’aller dévaliser la décharge locale, le consommateur risque vite de tomber en panne d’éthanol. Pour répondre à ce problème, la société fabrique donc son propre éthanol qu’elle livre, via des distributeurs locaux, aux propriétaires de Micro-Fueler pour 2 dollars le gallon (la machine sera alors rentabilisée en deux ans). Afin de fabriquer son propre éthanol (baptisé l’Efuel 100), l’entreprise a notamment signé des contrats avec les fabricants de bière californiens pour utiliser les millions de tonnes de levure de bière dont ils se débarrassent chaque année. Ajoutez à votre facture le fait que le MicroFueler consomme 3 Kwh d’électricité par gallon. Pour verdir la machine on peut cependant l’équiper d’un GridBuster, générateur électrique, qui permet aux clients de produire leur propre électricité, assure Thomas Quinn.

Le Steve Jobs de l’éthanol

Aux sceptiques qui ont du mal à imaginer les Américains pompant leur éthanol dans leur jardin, Thomas Quinn répond que nombreux étaient ceux à prendre Steve Jobs et Steve Wozniak (les fondateurs d’Apple) pour des fous lorsque ces derniers ont annoncé qu’ils allaient introduire l’ordinateur dans les foyers. Pour le moment, la seule machine opérationnelle chez des particuliers est à Los Angeles chez Chris Ursitti, le PDG de GreenHouse International, le distributeur officiel du MicroFueler mais E-Fuel ambitionne de commercialiser des milliers de machines dès 2010. Sierra Nevada, le roi de la bière californienne, teste des machines à l’heure actuelle dans le but de faire rouler ses camions à l’éthanol fabriqué à partir de sa levure de bière. Le MicroFueler recense même déjà quelques fans célèbres dont Shaquille O’Neal, la star du basket, qui compte parmi ses investisseurs, ainsi qu’Arnold Schwarzenegger, le gouverneur de Californie, qui a convoqué une conférence de presse en juin dernier pour dévoiler aux Californiens cette machine miracle. Et le Japon a désormais son propre distributeur. Signe que la révolution pourrait être contagieuse si l’engin se révèle aussi magique que promis.

A lire aussi dans Terra eco :
- Dossier : biocarburants, le mirage écologique
- Tour du monde des agrocarburants
- L’agrocarburant E10 est-il "super" ?

- MicroFueler