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Liberté, égalité, métier
jeudi, 11 juin 2009
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Mercredi 10 juin, l’association "A compétence égale" ouvrait les 48 heures pour la diversité. L’occasion d’armer les candidats contre les discriminations et de traquer les stéréotypes chez les professionnels du recrutement.
Ils attendent patiemment leur tour dans de larges fauteuils, autour d’un café et de petits biscuits. Eux, ce sont des hommes et femmes au chômage ou en emploi précaire, victimes de discriminations diverses. Ils sont venus se prêter au jeu des "48 heures de la diversité", organisées par A compétence égale, une association vouée à lutter contre les discriminations dans le secteur du recrutement. A quelques mètres de là, des consultants les reçoivent dans de petites salles individuelles. Se penchent sur leur passé et leur avenir, scrutent leurs CV. Les arment aussi contre les pièges de la discrimination.
"J’ai vu quelqu’un cet après midi. En deux minutes de présentation il m’avait déjà dit : ’j’ai 44 ans, j’habite Massy et je suis au chômage’. Ce sont des gens qui complexent et mettent en avant des choses qui constituent malheureusement un blocage pour beaucoup de recruteurs", souligne Nathanaël Juricic, directeur associé de Selexens, un cabinet de recrutement membre d’"A compétence égale".
Dans un coin de la salle d’attente, Gwladys Placide attend son entretien avec une conseillère. Deux ans que la jeune femme de 29 ans cherche un emploi dans le secteur du développement durable. Deux ans qu’elle se casse les dents aux portes des agences de recrutement ou au seuil des entreprises. "J’ai été stoppée net dans mes recherches parce que j’étais noire, que j’étais une femme et que j’habitais dans le 93. Une entreprise m’a même dit texto : ’pour l’image de notre entreprise, nous ne pouvons pas vous proposer ce poste’. Mais c’est pas parce qu’on est noir que ça veut forcément dire qu’on n’ a pas de qualification, de compétences et que les seules choses qu’on sache faire en tant que femme c’est garder des enfants ou faire femme de ménage ou repasseuse", s’anime la jeune femme. "Avec une amie, on a échangé nos noms sur nos CVS, s’amuse Karina Kaddouri Khalaf, une quadragénaire venue chercher une nouvelle orientation. Elle, elle a eu une réponse avec mon CV et son nom bien français. Et moi, non."
Petit à petit, grâce aux actions d’A compétence égale et de quelques autres, les regards changent dans la profession et les consultants se font plus vigilants. Reste à convaincre les entreprises. Car même à ne plus filtrer les candidatures, les agents auront échoué s’ils ne parviennent pas à convaincre les employeurs de changer à leur tour, leur perspective. "Aujourd’hui, si nos clients se privent de la moitié de la population en excluant les femmes, se privent des seniors, se privent des personnes issues de l’immigration et des handicapés, il ne reste plus beaucoup de monde. On se limite aux critères 30/35 ans, homme blanc, habitant dans les beaux quartiers et venant d’une grande école. Nous, notre job c’est d’ouvrir ces critères. Pour que les entreprises voient que la diversité peut être un facteur de performance et pas seulement pour combler la pénurie du personnel mais aussi pour être en phase avec leur clientèle", précise Alain Gavran.
Reste l’option d’imposer à tous, candidat, recruteur et entreprise, un CV anonyme, faisant l’impasse sur la photo, le nom, l’origine, l’adresse ou encore l’âge du candidat. Mais l’opinion sur le sujet est encore très partagée
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Crédit photo : Infraplus