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Assurances tous risques ?
mardi, 21 avril 2009 / Hélène Duvigneau

Une étude de l’organisme américain Ceres révèle que les compagnies d’assurance ont mieux adapté leur offre au changement climatique et aux risques associés en 2008.

Si les assureurs ont pu jouer un rôle proactif en matière de prévention des risques routiers, en pesant sur le port obligatoire de la ceinture à l’arrière des véhicules à la fin des années 1980, c’est beaucoup moins évident pour les risques naturels liés au changement climatique. Face aux 269 milliards de $ de pertes [1] engendrées par les catastrophes naturelles et techniques en 2008, contre 262 milliards de $ en 2005, ils se devaient pourtant de réagir. Un rapport du réseau Ceres [2], qui regroupe à la fois des investisseurs et des ONG environnementales, fait le point sur les évolutions positives du secteur en 2008. "Pour la première fois, la lutte contre le changement climatique n’est pas seulement considérée comme un impératif de long terme, mais aussi comme un stimulant à court terme pour une économie mise à rude épreuve", peut-on lire dans ce rapport.

Alors qu’auparavant, la réponse aux catastrophes dues au changement climatique se traduisait plutôt par un durcissement des conditions d’assurance et par l’augmentation des primes, 2008 marque un tournant. Ceres répertorie ainsi 643 produits et services -soit 50% de plus qu’en 2007- proposés par 244 compagnies de 29 pays, et dont le but est de réduire les risques liés au changement climatique ainsi que les émissions de CO2 qui en sont à l’origine. Le gros des efforts vient des États-Unis (37% du total), qui payent régulièrement un lourd tribut aux catastrophes naturelles, et notamment 24 milliards de $ en 2008 après les ouragans Ike et Gustav. Parmi les produits innovants, on peut citer les assurances auto qui proposent des réductions allant jusqu’à 60% pour les personnes conduisant moins que la moyenne. 32 compagnies offrent également des primes moins élevées pour les assurés qui s’engagent à faire des travaux afin d’améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. D’autres assureurs ont lancé une couverture dédiée aux fournisseurs d’électricité produite à partir du solaire ou de l’éolien en cas de production moins élevée que ce qui était attendu.

Un premier pas du secteur

Pourtant, malgré cette série d’avancées, le rapport ne manque pas de relever l’inadaptation de l’offre et sa faiblesse au regard de l’urgence des risques. Une réalité que confirme Yann Louvel, chargé de campagne sur la responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre, et auteur d’un rapport critique sur le même thème. "Malgré le caractère de référence du rapport Ceres, il n’aborde que rapidement certains enjeux que nous avons jugés cruciaux dans notre étude, comme le calcul des émissions de gaz à effet de serre induites par les investissements des assureurs, ou encore la prise en compte de la dimension climatique dans la gestion d’actifs et l’activisme actionnarial." Ainsi, les portefeuilles classiques d’actifs proposés aux clients sont-ils composés à 40% d’obligations et à 60% d’actions d’entreprises cotées en Bourse. "Les investissements vont par exemple au secteur pétrolier ou aéronautique, sans qu’il y ait de critère de sélection écologique", souligne Sébastien Godinot, chargé de campagne aux Amis de la Terre. Malgré les lacunes du rapport, il semblerait pourtant que le secteur de l’assurance soit plus en avance aux États-Unis qu’en France sur la question du changement climatique. Selon une décision rendue en mars, les compagnies d’assurance américaines dont les primes annuelles sont supérieures à 500 millions de $ devront publier à partir de 2010 un document révélant leur exposition aux risques climatiques, et les mesures entreprises pour y répondre.

En France, une telle transparence n’est pas encore à l’ordre du jour. Dans leur rapport publié en décembre, les Amis de la Terre relèvent qu’aucun des 15 premiers assureurs français ne dispose d’une politique climatique complète. "Ce sont surtout les politiques de gestion d’actifs qui surprennent par leur laxisme en matière climatique et énergétique", explique le rapport. Or selon la méthode d’étiquetage élaborée par la Caisse d’Epargne, "la gestion d’actifs des assureurs français génère des émissions induites de 490 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à 90 % des émissions totales de la France." Comme l’observe Yann Louvel, "certains assureurs étrangers ont déjà adopté des politiques sectorielles de réduction des risques s’appliquant à la gestion d’actifs alors que ce n’est pas encore le cas en France."

Un véritable engagement passerait selon lui par l’intégration de la dimension climatique "dans le cœur d’activité des assureurs, et non à la marge". Il faudrait pour cela qu’ils calculent, puis réduisent en priorité les émissions de gaz à effet de serre induites par leurs investissements." . Malgré le retard, les assureurs doivent selon Yann Louvel encourager les bonnes pratiques. Il a d’ailleurs bon espoir de voir les choses évoluer rapidement : "La profession semble ouverte à nos recommandations et nous espérons des changements rapides dans les mois à venir".

Le rapport du Ceres

Les Amis de la terre