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Wokai ne prête qu’aux pauvres
mercredi, 15 avril 2009 / Hélène Duvigneau

Depuis 2007, deux jeunes Américaines aident les Chinois des campagnes à "s’aider eux-mêmes". Leur arme : une plate-forme de microfinance sur Internet.

Wokai, "je commence" en mandarin, résume parfaitement l’esprit d’entreprise qui anime Casey Wilson et Courtney McColgan, fondatrices de l’ONG éponyme à seulement 25 ans. Rencontrées à Pékin sur les bancs de la fac, originaires des États-Unis, les deux comparses décident de concrétiser leur rêve : faire de la microfinance un outil de lutte contre la pauvreté. "La microfinance diffère du cycle de dépendance créé par les méthodes classiques de lutte contre la pauvreté", lit-on sur leur site Web.

La croissance chinoise ne doit pas nous faire oublier une autre réalité : le pays compte plus de 200 millions d’habitants qui vivent avec seulement 1$ par jour. Le fossé entre revenus ruraux et urbains s’est creusé, avec un écart des salaires qui varie officiellement du simple au quadruple.

Dans son petit village de Mongolie intérieure, Wei Xiu Xia, 50 ans, fait partie depuis l’an dernier de la cinquantaine d’emprunteurs sélectionnés par Wokai. Retraitée, elle a ouvert, pour passer le temps, un petit magasin de "mantous", ces petits blancs typiques servis natures ou fourrés à la pâte de haricot. Mais ses talents de cuisinière l’ont vite dépassée : trop pauvre pour acheter de la farine en grande quantité et répondre à la demande, elle n’a pas eu droit au crédit bancaire classique, comme 228 autres millions de Chinois des campagnes. "Pour obtenir un prêt, il faut donner des gages, explique Zhang Sheng employé de Wokai. Cela peut aller jusqu’à 5 500€, soit au moins dix fois un salaire annuel moyen rural. C’est là que Wokai intervient en prêtant à la jeune retraité 330€ remboursables en douze mois, à raison de deux versements mensuels.

L’effet Internet

Le fonctionnement et les premiers succès de Wokai reposent en grande partie sur Internet. Basée aux États-Unis, l’ONG, financée par des dons et des subventions, joue sur la transparence. Sur le site, on peut lire les noms, histoires et projets de tous ceux qui ont été considérés comme éligibles aux prêts. Figurent aussi le montant de l’emprunt et l’échéance du remboursement, de manière à informer le prêteur en temps réel. "99% des prêts sont remboursés", souligne Naomi Cookson, directrice déléguée de l’ONG. Libre ensuite aux prêteurs d’investir à nouveau. Élevage de porcs, ouverture d’une maison de thé, les projets sont hétéroclites mais ont tous un point commun : leur le potentiel à assurer des revenus stables au porteur de projet (c’est d’ailleurs l’un des critères de sélection). A la clé, un accès aux soins ou à une meilleure éducation.

En Chine, Wokai surfe sur une vague nouvelle, dans la mesure où les organisations de micro-finance y étaient interdites jusqu’à l’an dernier. "Contrairement à des pays comme l’Inde ou le Bangladesh, la microfinance fait peur au régime chinois, qui l’a longtemps considérée comme un moyen de libérer l’initiative populaire", analyse Naomi Cookson. Mais aujourd’hui, avec le retour dans les campagnes de millions de travailleurs migrants, la microfinance semble être un bon moyen de réveiller l’économie locale pour aider cette population à se réintégrer. D’ici 3 ans, les fondatrices de Wokai espèrent lever 1,6 million d’€ auprès de 17 000 internautes et toucher 6 000 personnes sur le terrain.

A lire aussi sur Terra eco :

- Une interview de Maria Nowak, présidente de l’ADIE, l’Association pour le droit à l’initiative économique, en pointe surle microcrédit en France.

- Un article sur l’Agence française de développement.

Le site de Wokai