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Les agro-carburants plombent l’Amérique Latine
mercredi, 10 septembre 2008 / Etienne Burkel

Les agro-carburants, maillon fort du développement durable ? Pas si sûr. D’après un rapport de l’association Friends of the Earth International publié cette semaine, le développement de ces combustibles végétaux engendre de nombreux problèmes dans les pays d’Amérique Latine. Sur le banc des accusés, sept pays peu scrupuleux.

Tensions sociales, pollution, exploitation sans mesure des sols et des populations : les agro-carburants ne sont visiblement pas la panacée des pays d’Amérique latine. Le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, la Colombie, le Costa Rica, le Salvador et le Guatemala sont ainsi pointés du doigt par le rapport d’une des plus importantes associations vertes du monde, Friends of the Earth International.

Selon l’ong, la demande croissante d’agro-carburants par les pays industrialisés pousse les Etats de la région à privilégier une agriculture intensive et destructrice. Canne à sucre, soja, huile de palme "prennent ainsi le pas sur les cultures vivrières nourrissant les populations locales". Un problème de poids lorsque l’on connaît les hausses spectaculaires des prix alimentaires à l’échelle planétaire.

Coût social

En outre, l’utilisation massive de produits chimiques pesticides et fertilisants pollue les sols et les cours d’eau, détruisant ou endommageant durablement des écosystèmes déjà fragilisés. L’expansion de ces exploitations repousse alors les petits agriculteurs vers les zones forestières, entraînant soit leur ruine, soit une déforestation accrue pour aménager de nouvelles lopins. En cas de faillite des petits exploitants, nombreux sont ceux qui se retrouvent contraints de travailler comme ouvriers agricoles pour les riches propriétaires et les compagnies internationales gérant les grandes parcelles.

Salaires de misère, esclavage moderne et travail des enfants resurgissent à cette étape du processus. Les intérêts économiques en jeu sont énormes et les options des strates peu fortunées, restreintes. Les nouvelles mesures agricoles de ces pays, rappelant curieusement les politiques d’ajustements du FMI des dernières décennies, engendrent des tensions sociales souvent mal considérées, voire durement réprimées. "Le sentiment de spoliation des petits exploitants expropriés grandit et avec lui les inégalités déjà importantes au sein de la population", explique le rapport. Sans compter que la plupart de ces pays sont souvent fortement marqués par la corruption et des amitiés politico-financières douteuses.

Enfin, l’engouement pour ces agro-carburants alimente encore la hausse des prix des matières premières agricoles sur les marchés internationaux. Le constat est donc résolument négatif pour ces pays exportateurs dont les bénéfices reviennent rarement aux populations elles-mêmes mais davantage aux grandes multinationales. Dommage.

- Le rapport de Friends of the Earth International : Fuelling destruction in Latin America