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Michel Rocard : "Une forme de savoir qui doit rester ouverte à tous"
jeudi, 3 juin 2004 / Tuplu (illustration) , / Capucine Cousin

L’ancien Premier ministre français Michel Rocard, eurodéputé depuis 1999, s’est rangé en 2003 dans le camp des anti-brevets. Il explique sa position.

Terra economica - Quels sont les principaux risques de la directive adoptée par le Conseil des ministres européens, le 18 mai ?

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Michel Rocard - Déjà, elle risque de faire peser une menace financière et juridique terrifiante sur les créateurs de logiciels, qui sont souvent des jeunes gens travaillant au sein de petites sociétés, et qui espèrent vendre de nouveaux services. Ce serait un assassinat du buissonnement du savoir humain et de l’activité économique. Les ministres ont aussi introduit la notion d’"effet technique", qui serait désormais brevetable : or tout ce qui est "technique", relève des idées ou des formules mathématiques. Il s’agit d’œuvres de l’esprit qui ne se brevètent pas, puisque cela est interdit par l’article 72 de la convention de Munich de 1973 sur le brevet européen.

TE - Quels enjeux de société se posent derrière ce débat apparemment strictement technique ?

Michel Rocard - Le logiciel est une forme de savoir ouvert à tous, qui doit pouvoir être recopié. Il faut empêcher que de grandes entreprises comme Microsoft se donnent le monopole de la diffusion du savoir dans le monde. Il faut aussi parer à tout risque de dérive à l’américaine, où l’on voit des tribunaux valider des brevets, par exemple sur un logiciel d’accompagnement des enseignants.

TE - Le Parlement européen court-circuité par le Conseil européen, la France qui tourne casaque... comment l’expliquez-vous ?

Michel Rocard - Le Conseil des ministres n’a pas manqué de culot de retoquer le vote du Parlement, sous l’influence de puissants intérêts industriels. En France, Jacques Chirac s’était positionné contre les brevets logiciels en 2002, mais n’a jamais obtenu du gouvernement une position franche. Mais nous allons reprendre la bataille au niveau européen, quand la directive passera en seconde lecture devant le Parlement, cet automne.

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