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« Il y a une diversité d’aliments végétaux qui n’existe pas dans le monde animal »
lundi, 29 février 2016 / Camille Chandès

Vous voulez devenir végétarien mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Voici les conseils de Jérôme Bernard-Pellet, médecin et lui-même végane.

Comment faire, concrètement, si l’on veut devenir végétarien ?

Si l’on n’a pas envie de changer ses habitudes culinaires, il est tout à fait possible de remplacer la viande animale par de la viande végétale comme le seitan (aliment préparé à partir de gluten de blé, ndlr). Pour les végétaliens, le lait de vache peut être remplacé par du lait d’amande, de soja, de riz ou d’avoine. On peut transposer simplement les recettes que l’on faisait déjà. Entre les légumes, les légumineuses, les céréales, les fruits et les oléagineux, il y a une diversité d’aliments végétaux qui n’existe pas dans le monde animal.

Vaut-il mieux arrêter de manger de la viande d’un seul coup ou procéder par étapes ?

Il est possible de faire le saut d’un coup mais la psychologie humaine fait qu’en général il est plus simple de procéder par étapes. Certains adolescents deviennent végétariens du jour au lendemain mais c’est rare. Lorsqu’on devient végétarien, il y a de fortes chances qu’on augmente sa ration de fibres alimentaires. Ceci a pour effet d’accélérer brusquement le transit au cours de la première semaine. Il y a donc tout intérêt à augmenter leur quantité progressivement.

Y a-t-il des précautions particulières à prendre pour les femmes enceintes ?

Pour une végétarienne, il n’y a quasiment aucun danger et elle ne fera pas plus d’erreurs qu’une omnivore. Le plus gros danger concerne les femmes enceintes végétaliennes qui n’ont pas de connaissances en nutrition sur la vitamine B12, que l’on retrouve dans les produits laitiers et les œufs. Celle-ci est très difficile à trouver dans le règne végétal. Si une femme enceinte est carencée en B12, il n’y aura pas de problème évident pendant la grossesse car le placenta concentre le peu de B12 présente. Quatre mois après l’accouchement, les réserves de l’enfant sont épuisées et il peut y avoir un retard de croissance et des troubles neurologiques qui peuvent aller jusqu’au décès. Pour éviter cela, il suffit d’une supplémentation quotidienne en vitamine B12. Pour le zinc, le calcium, l’iode, les oméga 3, on peut trouver des aliments dans le règne végétal qui en sont riches, comme, par exemple, le sésame, qui fournit zinc et calcium.

Et pour l’enfant ?

Outre la supplémentation quotidienne en B12 des femmes enceintes indispensable durant l’allaitement et chez l’enfant, il faut faire attention car l’alimentation végétarienne peut présenter une densité calorique plus faible. Dans les légumes, il y a très peu de protéines, de glucides et de lipides donc il ne faut pas trop forcer sur les légumes chez les enfants. Il ne faut pas hésiter à utiliser des aliments riches comme les oléagineux (purée d’amande, de sésame, avocat, banane). Si un enfant présente des signes de sous-poids ou de ralentissement de sa croissance, il faut remettre en cause sa façon de le nourrir mais il n’y a pas d’accident chez les enfants supplémentés en B12. Le plus gros obstacle chez les enfants est d’ordre psychologique et social : il peut y avoir, de la part de l’entourage, familial par exemple, une forte désapprobation au végétarisme chez l’enfant. C’est un sujet très passionnel. Quant au végétalisme de l’enfant, cela passe mal alors que techniquement c’est tout à fait au point.

Peut-on être végétarien et ne pas manger de soja ?

Bien sûr. Il y a des campagnes anti-soja très virulentes en France alors que de nombreuses études très documentées montrent son intérêt pour la prévention de la maladie d’Alzheimer, ainsi que des cancers de la prostate et du sein. Je suis très favorable au soja mais il n’est pas un incontournable. Toutes les légumineuses sont d’excellents aliments fournissant protéines, calcium, fer et zinc. Le soja est très utilisé car il a une texture fibreuse avec laquelle il est facile de produire de la viande végétale.

Les substituts végétaux de viande ont-ils un intérêt ?

Quand ils ne sont pas trop transformés, avec de l’huile de palme par exemple, ils sont de bons aliments très riches en protéines.

Que faire si, en tant que nouveau végétarien, le sentiment d’avoir toujours faim se manifeste ?

Il ne faut pas hésiter à manger de la viande végétale (seitan, tofu) et des aliments bien caloriques comme des noix, des noisettes et des amandes. Eventuellement, on peut multiplier les repas. La viande animale n’est pas facile à digérer, le corps peut ne pas être habitué à se confronter à une alimentation beaucoup plus légère et renvoyer une sensation de faim. Mais, en général, c’est transitoire.

Vers qui se tourner pour se faire accompagner ?

La réponse classique consisterait à conseiller de s’adresser à un professionnel de santé, seulement le nombre de professionnels compétents sur le sujet du végétalisme est très faible. Malheureusement, le corps médical est pour l’instant de peu de secours car la compétence est très rare sur le territoire français même si je tente de la développer. La meilleure façon est de lire des ouvrages spécialisés (1), de se renseigner auprès de sites Internet fiables, d’amis et ou collègues déjà végétariens ou végétaliens. —

(1) Comment manger moins de viande, de Garance Leureux et Jérôme Bernard-Pellet (La Plage, 2013)