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« La gueule du loup », docu sauvage
lundi, 29 février 2016 / Anne de Malleray

De Jérôme Ségur, sortie le 9 mars.

Depuis plus de vingt ans qu’il est revenu en France par les Alpes italiennes, le loup divise et fait parler les hommes. Eradiqué dans les années 1950, il est réapparu dans un contexte nouveau : un pays moins agricole laissant des terres en friche pour sa progression, une culture environnementale et une juridiction nouvelle qui en font une espèce emblématique et protégée. Dans ce contexte, il faut coexister avec le grand prédateur sur les territoires qu’il recolonise rapidement en France – des deux loups repérés dans le Mercantour en 1992, la population serait aujourd’hui passée à 300 selon les estimations de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Abondamment documentée dans les médias, la crise du loup oppose deux camps selon un clivage classique pour/contre. D’un côté la souffrance et la colère des bergers, seuls en contact réel avec l’animal. Une vision présentée comme pragmatique, concluant à la cohabitation impossible. De l’autre, le droit de l’animal à occuper le territoire. Une représentation idéalisée du sauvage, qui fait du loup son emblème et le porte-drapeau d’une remise en cause de l’occupation humaine des espaces et d’une sanctuarisation de la nature. Les deux positions se retrouvent dans La Gueule du loup à travers la parole des bergers – dans les Alpes-Maritimes, le Var, la Meuse – et celle des défenseurs de l’animal, ici largement incarnée par un naturaliste misanthrope qui, de l’avis de son petit garçon de 10 ans, « aime trop le loup ». Tourné sur les estives, le documentaire convie le spectateur au chevet des brebis tuées par le loup, soulignant l’impuissance de la gestion du prédateur.

Sortir de la représentation symbolique

Quelles sont les options ? Se retirer, comme le font nombre de bergers qui renoncent, ou s’adapter. Mais cela signifie au moins deux choses. D’une part, connaître le loup et se doter des moyens de lui répondre. D’autre part, sortir de la représentation symbolique du prédateur, ni ennemi à l’intelligence diabolique ni emblème du sauvage, pour l’aborder d’un point de vue éthologique. Quel est son mode d’existence ? Où est-il ? Comment se comporte-t-il ? Quelles sont ses stratégies ? Mais le parti pris du documentaire, comme de multiples travaux sur le retour du loup, est plutôt de parler des hommes : « Le loup est davantage objet que sujet dans le film. Les pro et anti-loups en parlent et, ce faisant, parlent d’eux-mêmes, se révèlent, se livrent », explique Jérôme Ségur, le réalisateur. Pendant que nous nous parlons de nous-mêmes, le loup, indifférent à nos débats et exclu de notre arène politique, prend sa part. Pour rendre la cohabitation viable, il faudrait apprendre à négocier, à lui signifier des frontières pour ne pas tomber dans sa gueule. —

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