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La fin des sacs plastique en caisse, épisode 341
mardi, 19 janvier 2016 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Interdits… mais toujours là ! Le décret bannissant les sacs plastique a une nouvelle fois été repoussé. En mars cette fois. En attendant, beaucoup de commerces n’ont rien changé à leurs habitudes. Décryptage.

Au 1er janvier, éradication complète des sacs plastique en caisse. Ni donnés, ni vendus. Disparus, évanouis, bye-bye, finito. On y a cru. Pourtant, à la caisse, c’est toujours peu ou prou la même histoire. Si on ne vous donne pas tout bonnement un sac, un simple mot suffit à en réclamer un pour quelques centimes d’euros (ou pas d’ailleurs). Pourtant, la loi sur la transition énergétique est très claire sur le sujet : « Il est mis fin à la mise à disposition, à titre onéreux ou gratuit, (…) à compter du 1er janvier 2016, de sacs de caisse en matières plastiques à usage unique destinés à l’emballage de marchandises au point de vente. » Les sacs qui ne sont pas « de caisse » – ceux disponibles au rayon « fruits et légumes », par exemple – disposeront d’un an de sursis avant de subir le même sort.

Et pourtant, la même rengaine à la caisse. Il faut dire que le décret qui doit préciser les modalités d’application de la loi a été repoussé à mars (voir le communiqué de presse du ministère de l’Ecologie en date du 28 décembre). Certes, en attendant, « la loi est claire et chacun peut la respecter, sans attendre la publication du décret d’application ni l’application de sanction », précise le communiqué. Un appel aux bonnes volontés bien optimiste. D’autant qu’au même moment « les commerçants sont autorisés à distribuer [d]es sacs plastique (…) jusqu’à épuisement du stock », précise le site Service public. Le résultat… on le connaît.

Des exceptions… ou la règle ?

A la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), on assure pourtant que les enseignes ont pris les devants. Certes, quelques « exceptions » persistent, notamment dans les supermarchés de proximité, mais les progrès sont immenses, assure-t-on. La preuve : le nombre des sacs distribués serait passé de 10,5 milliards en 2002 à 600 millions aujourd’hui. Chez Zero Waste France, association qui milite pour la réduction des déchets, on souligne surtout que l’interdiction n’est « pas appliquée dans les faits ». Et on regrette le manque de visibilité : « Est-ce que les commerçants auront le droit d’utiliser leurs stocks après la publication du décret ? Quelles sanctions seront appliquées ? », s’interroge Laura Châtel, chargée de mission programme « Territoires Zero waste ».

Autre incertitude : le type des sacs qui resteront autorisés après le 1er janvier 2017 pour l’emballage des marchandises en dehors des caisses. Une chose est sûre : les sacs oxo-fragmentables seront bannis. Non compostables, ils sont considérés comme nocifs par de nombreux spécialistes, dont l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) (voir PDF). Autorisés en revanche, les sacs compostables et biosourcés. Mais pour quelle teneur ? Le décret devrait le définir. « Les sacs compostables pourront être une alternative pour certains usages, confirme Laura Châtel. Mais il ne faut pas qu’ils viennent complètement remplacer les sacs plastique. L’impact sur l’environnement et sur l’utilisation des terres agricoles serait trop fort. En revanche, cela pourrait être une solution pour l’emballage des fruits et des légumes. En Italie, ils ont des sacs qui sont compostables à la maison. Les gens les compostent en même temps que les épluchures… »

Un manque d’accompagnement

Trop de flou sur les modalités ? Des commerçants qui repoussent la mutation à la dernière minute ? Si les choses traînent, c’est aussi sans doute que les consciences tardent à se convertir et que personne ne les aide. « Assez peu de gens sont au courant, notamment dans les moyennes surfaces, les commerces de bouche, les marchés alimentaires, croit savoir Laura Châtel. Et comme derrière, les collectivités n’aident pas à la mise en place… Il faut qu’elles agissent pour accompagner l’interdiction, proposer des alternatives. La grande majorité ne s’est pas emparé du problème »

Sauf peut-être à Roubaix. La ville du Nord affiche son ambition « territoire zéro déchets ». En 2015, elle a accompagné une centaine de familles pour réduire leurs déchets. « Aujourd’hui, on passe aux commerçants et aux entreprises », souligne Marie-Noëlle Vuillerme, embauchée pour l’occasion. La campagne de sensibilisation a commencé sur les marchés de la ville. « On a distribué des sacs réutilisables les deux dernières semaines de décembre en donnant des informations aux commerçants, aux habitants. On leur a expliqué que la loi allait changer. » Pas de miracle au compteur : « On a parfois retrouvé à la fin du marché des gens à qui on avait distribué des cabas, se promener avec cinq ou six sacs plastique à la main, déplore Marie-Noëlle Vuillerme. Les habitudes sont ancrées. Pour une partie des commerçants, le sac plastique, c’est une notion de service. Ils ont l’impression que s’ils ne donnent pas de sacs, ils vont perdre leurs clients. C’est indispensable d’éduquer les gens. Ça passera par le dialogue plus que par des descentes de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui distribuera des sanctions… » Accompagner la transition ça ne requiert « pas énormément d’argent, de moyens à mettre en place, assure Marie-Noëlle Vuillerme, mais il faut une volonté politique ».

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