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Le succès fulgurant du désinvestissement
jeudi, 3 décembre 2015 / Amélie Mougey

Après le « Guardian », la fondation Rockfeller ou le fonds souverain norvégien, de nouveaux acteurs retirent leurs billes des énergies fossiles. Ce sont aujourd’hui 500 institutions qui ont désinvesti. Les ONG jubilent.

Ils n’ont pas attendu la conclusion d’un accord pour crier victoire. Ce mercredi 2 décembre, les membres de l’ONG 350.org sont arrivés au Bourget, où se tient en ce moment la COP21, avec leur lot de bonnes nouvelles : à ce jour, 500 institutions pesant ensemble 3 400 milliards de dollars (3 200 milliards d’euros ) ont annoncé leur intention d’arrêter, au moins partiellement, de financer les énergies fossiles. Des acteurs auxquels s’ajoutent plus de 2 040 particuliers fortunés.

Eviter que le climat ne se dérègle plus avant

Le geste répond à un impératif, celui de laisser sous terre au moins « un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80% du charbon », selon une étude publiée en janvier dans la revue Nature. Et ce afin d’éviter que le climat ne se dérègle plus avant. « Si provoquer le changement climatique est immoral, en tirer profit l’est aussi », a déclaré May Boeve, la directrice exécutive de 350.org pour résumer l’esprit du mouvement « Fossil Free ».

Son succès est fulgurant. Dans les deux mois précédant la COP21, les campagnes de 350.org et Divest-Invest ont rallié près d’une centaine de nouvelles institutions. A la mi-septembre, elles étaient 436 à avoir pris des engagements pour un poids financier cumulé de 2 700 milliards de dollars (2 552 milliards d’euros). En un an, leur nombre avait déjà été multiplié par deux, leur poids économique par cinquante : en septembre 2014, elles n’étaient que 181, pesant 50 milliards de dollars (47,2 milliards d’euros). De l’économiste Thomas Piketty à son confrère, le prix Nobel Joseph Stiglitz, en passant l’ambassadrice français pour le climat, Laurence Tubiana, le mouvement a reçu des soutiens importants. A en croire les travaux de l’université d’Oxford, cette campagne de désinvestissement se répand plus vite que toutes les précédentes, menées contre l’apartheid ou l’industrie du tabac.

De belles prises de guerre

May Boeve, qui a succédé à Bill Mc Kibben à la tête de ONG, voit plusieurs raisons au succès de la mobilisation. D’une part, « le désinvestissement est devenu un motif de fierté pour les institutions : si vous vous voulez montrer votre engagement contre le dérèglement climatique et être crédible, vous devez vous être débarrassé des énergies fossiles ». La force du mouvement tient ensuite au fait « que n’importe qui, à n’importe quel endroit, peut participer, reprend l’activiste. Vous pouvez demander à votre ville, à votre université de désinvestir ». L’exemple fait référence au berceau du mouvement : en 2011, des étudiants de l’université de Philadelphie, aux Etats-Unis, étaient les premiers à faire pression sur leur établissement pour qu’il retire son épargne du charbon. Après avoir touché les villes et les fondations, la mobilisation « se propage aujourd’hui à des acteurs financiers plus classiques » remarque Pascal Canfin, ancien ministre du développement et futur directeur général (en janvier) du WWF France. Tandis que la dynamique s’ancre du côté des acteurs publics, des banques, des compagnies d’assurance et des fonds de pension prennent à leur tour des engagements. Parmi les dernières prises du mouvement, on trouve :