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A ceux qui viennent
samedi, 21 novembre 2015 / Hervé Le Treut /

Hervé Le Treut est climatologue et directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace. Participe aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Une lettre aux générations futures signée du climatologue Hervé Le Treut.

J’appartiens à une génération qui a largement profité de circonstances exceptionnelles : la première génération de Français qui n’ait pas connu la guerre. Et j’appartiens même au cercle plus restreint de ceux qui ont pu profiter d’une ouverture nouvelle sur le monde, synonyme de voyages et de liberté. Je sais, nous savons aujourd’hui que c’est aussi pendant ces années que se sont développés à la fois une exploitation forcenée des ressources de la planète, qui menace le climat et la biodiversité, et, en parallèle, des mécanismes de retour à des formes d’injustices que nous pensions en régression. Il est difficile dans ces conditions de se faire moralisateur, pesant ou trop directif dans les messages. Les défis du futur sont déjà ceux d’aujourd’hui : vivre en paix et en démocratie à 7 ou bientôt 9 milliards sur une planète qui devient petite, en préserver le patrimoine naturel sont déjà des défis posés à ma génération, et les moyens d’essayer d’y répondre sont multiples. Ce sont aussi des défis concrets : le climat est une machine complexe, mais on mesure facilement sa puissance et sa fragilité à des signes qui ont aussi une dimension affective : qu’il s’agisse, de manière proche, de la fonte de glaciers dans les Pyrénées, ou, dans des régions que je n’ai jamais visitées mais qui ont un caractère lointain et mythique, de la disparition progressive pour des raisons qui ne tiennent pas aux gaz à effet de serre, mais bien à l’homme, de paysages patrimoniaux, comme la mer d’Aral ou le lac Tchad.

Ces défis seront surtout les vôtres, et vos solutions seront peut-être politiques, peut-être militantes, sans doute profondément marquées par l’émergence des nouveaux réseaux sociaux. Mais j’y ajouterais une chose qui m’est bien sûre très chère : il ne faudra pas oublier le regard de la science. C’est un regard partiel, mais il sera nécessaire pour démêler l’écheveau de choix posés à nos sociétés. Et jamais, sans doute, ces choix n’auront été aussi complexes. —

Cet article est extrait du hors-série « Le climat de vous à moi », disponible en kiosque et sur commande, en suivant ce lien. Bonne lecture !