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L’Afrique, c’est chic
jeudi, 3 mars 2005 / Arnaud Gonzague

Plutôt que nous demander comment aider l’Afrique, nous ferions mieux de regarder ce qu’elle peut nous apporter sur le plan des valeurs. C’est le constat rafraîchissant de la journaliste Anne-Cécile Robert.

Anne-Cécile Robert, L’Afrique au secours de l’Occident, les éditions de l’Atelier, 160 p., 16 euros.

"Le plus grand bien que l’Afrique peut apporter à notre commune humanité dans l’angoisse est son grand retard, celui-là même qui manque à l’Occident industriel pour devenir humain". Cette jolie phrase du politologue africain Boubou Hama résume le parti pris du dernier ouvrage d’Anne-Cécile Robert, journaliste au Monde diplomatique et enseignante à Paris-VIII. Car, après tout, depuis tant années que nous nous interrogeons sur la manière d’aider le continent noir, il ne nous est pas venu à l’idée que lui pouvait nous aider.

Le masque de l’impérialisme ?

Les mieux-intentionnés d’entre-nous tombent d’accord pour considérer l’Afrique cruellement en retard dans son développement économique et humain. Le point de vue d’Anne-Cécile Robert est autre : et si ce que nous appelons "retard" n’était rien d’autre qu’une forme de résistance au modèle occidental ? Et si notre "aide au développement" n’était qu’un masque posé sur le visage de l’impérialisme ? Elle va même plus loin : "Les valeurs qui traversent le continent noir pourraient être le levier d’une remise en cause de la mondialisation libérale". Le modèle africain pourrait - devrait - nous aider à prendre conscience de notre propre "retard" civilisationnel.

Regard sans concession

Ce point de vue, pour n’être pas très nouveau - bien des mouvements "tiers-mondistes" des années 60 le partageaient - a quelque chose de rafraîchissant. Notamment quand l’auteur explique comment la notion africaine du temps, les valeurs de solidarité et le respect spontané de la nature pourraient apporter des remèdes à notre société malade de stress et d’accumulation matérielle. On lui sait gré, en plus, d’éviter d’enjoliver sottement une Afrique par ailleurs violente, étouffante pour l’individu et peu soucieuse de l’émancipation féminine.

Imprécations

On regrette seulement que la journaliste perde deux chapitres à détailler les ravages de l’ultra-libéralisme sur les nations africaines. Non que nous doutions de leur existence. Mais sa démonstration repose sur des imprécations, plus que sur des faits. Et à embrasser trop de sujets, elle nous frustre de ce qui est passionnant dans son livre. On aimerait tant en savoir plus sur la pensée des intellectuels et économistes africains, qu’hélas elle ne fait qu’effleurer.

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