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Faut-il sauver les banlieues américaines ?
jeudi, 13 août 2009 / Stéphane Hallegatte /

Economiste de l’environnement au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) et Météo-France.

La banlieue résidentielle « à l’américaine » est un symbole du développement non durable. Que faut-il en faire ?

Pour beaucoup, elle se résume à une étendue infinie de grandes maisons identiques, massivement climatisées, situées à au moins une heure de route des lieux d’emploi et de loisirs, qui ne sont de toute façon accessibles que grâce à l’énorme 4x4 que l’on trouve immanquablement devant chaque habitation.

Bref, avec un urbanisme très peu dense, rendant l’usage de la voiture inévitable, de grandes surfaces, chères à chauffer et climatiser, et un étalement destructeur pour les zones naturelles, les critiques des banlieues américaines n’ont jamais manquées. Et quand Georges W. Bush affirmait à propos de l’adhésion des USA au Protocole de Kyoto que « le mode de vie américain n’est pas négociable », c’est à ces quartiers que beaucoup ont immédiatement pensé.

Mais, aujourd’hui, ces banlieues sont en danger ! D’abord, l’envolé du prix de pétrole, et donc de l’essence à la pompe américaine, a fait exploser les frais de déplacement des ménages américains. En l’absence d’une taxation significative, comme en France, un doublement du prix de pétrole fait tout simplement doubler le prix de l’essence, pesant terriblement sur le budget des ménages vivant dans les banlieues excentrées. Ce choc pétrolier a donc rendu moins recherchés les logements excentrés, et a fait baisser leur prix relativement aux habitations de centre-ville.

Etalement urbain

Ensuite, la crise financière a révélé au grand jour un secret de polichinelle : en augmentant leur endettement tout au long des années 2000, alors que leurs revenus stagnaient, les ménages américains ont vécu au dessus de leurs moyens. En particulier, ils ont fait construire trop de maisons, et des maisons trop grandes, dans ces fameuses banlieues résidentielles, et ils sont maintenant incapables de les payer. On trouve ainsi des quartiers entiers vidés de leurs habitants, incapables d’honorer leurs traites.

Le plus intéressant ici est que le contrôle de l’étalement urbain, qui avait été rejeté quand il était proposé pour des raisons environnementales, est aujourd’hui imposé par des contraintes économiques, démontrant ainsi une fois de plus qu’il est absurde d’opposer le développement économique et la protection de l’environnement.

Alors que va-t-il arriver à ces logements trop grands, trop éloignés des lieux de travail et de loisir, trop dépendants de la voiture, trop nombreux ? Certains politiques ont proposé des idées pour les sauver, en soutenant les prix de l’immobilier, et en finançant des travaux pour réduire leur consommation énergétique et même pour découper les grandes maisons en plusieurs appartements. Mais face à la difficulté de rénover ces immenses zones si excentrées et étalées, on entend maintenant des débats sur l’intérêt même de les sauver, et certains urbanistes – comme Richard Register ou Ellen Dunham-Jones – proposent même tout simplement de les détruire, pour recréer des zones naturelles et revenir à un habitat plus dense, constitué de logements plus petits et accessibles en transport en commun.

Alors les américains vont-ils raser leurs banlieues pour revenir vers les centres-villes ? Il semblerait que le mode de vie américain soit devenu négociable...

Une réaction ? chronique@hallegatte.eu


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