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Pas d’autoroutes de la mer sans taxe sur les poids lourds ?
mercredi, 8 juillet 2009 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Des autoroutes de la mer, oui. Mais peu chères, empruntées régulièrement par des navires adaptés et reliées aux réseaux terrestres. C’est à ces conditions que les autoroutes de la mer pourront faire une percée sur le terrain du transport de marchandises, souligne Henri de Richemont, dans un rapport remis le 7 juillet à Dominique Bussereau.

Ce n’est pas encore le moment de crier victoire. Certes, les projets existent, mais ils tardent à se réaliser. Lancées en 2004, les deux autoroutes qui doivent relier Saint-Nazaire et Le Havre à Vigo et Algesiras en Espagne ne seront opérationnelles qu’en 2010. Simplement parce que relier deux ports par voie de mer tout en étant rentable n’est pas chose aisée. Aussi, en novembre dernier, Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports, a confié à Henri de Richemont, ex-sénateur, le soin de répertorier les obstacles sur la route du transport maritime et de proposer des solutions. Rien de moins. Consciencieux, Henri de Richemont a livré en 45 pages le fruit de ses observations et de ses rencontres.

Conclusion : pour être rentables les autoroutes de la mer doivent se plier à quelques contraintes. D’abord, elles doivent assurer des liaisons régulières, ponctuelles et fiables. Pas question de relier Saint-Nazaire à Vigo tous les 36 de l’an ou de suspendre les trajets les jours de gros temps. Le service se doit aussi d’être pérenne. "Un logisticien de transports ou un chauffeur routier hésitera à choisir la voie maritime s’il craint que cette ligne ferme dans les huit mois ou s’il considère que l’opérateur fermera la ligne au bout de trois ans, après épuisement des subventions", souligne le rapport.

Mais surtout, le service ne doit pas être plus cher que son équivalent routier. Première solution : réduire les coûts du transport maritime. Il suffit pour cela d’affréter des navires uniquement réservés au frêt (moins coûteux) et d’envoyer les chauffeurs rejoindre leur marchandise par avion ou en car-couchettes. Les subventions – aujourd’hui limitées à une aide au démarrage - seront aussi les bienvenues. Enfin, l’ex-sénateur préconise une suppression de la dîme péagère pour les camions empruntant la voie maritime ou le versement d’un éco-bonus à la mode italienne. L’État méditerranéen s’est en effet engagé à rembourser aux transporteurs routiers une partie du coût d’utilisation du transport maritime. Deuxième solution : "handicaper" le transport routier, ose Henri de Richemont. A coups d’interdiction de doubler ou de limitation de vitesse pour les poids lourds. A renfort d’écotaxe enfin, comme celle prévue en France dans le Grenelle de l’environnement.

Réduction des coûts, taxation du transport routier. Pas de doute, l’État a son rôle à jouer dans la promotion des autoroutes de la mer. Il doit aussi créer un statut à part pour ce nouveau mode de transport, préconise encore le rapport. Car aujourd’hui, les transporteurs routiers se heurtent à la complexité des procédures au moment du passage portuaire ou peinent à démêler l’écheveau des responsabilité le long de la chaîne de transport. Bref, il faut un document unique pour le transport multimodal, souligne M. de Richemont. Et ce, avant la saint glinglin ! Alors et seulement alors, les autoroutes de la mer pourront se faire une place sur le terrain du frêt.

Une petite révolution qui pourrait bien répondre aux objectifs français fixés dans le texte du Grenelle : faire évoluer la part du frêt non routier de 14 à 25% d’ici à 2022. Reste à savoir si le transport maritime est vraiment la solution. Certes, il demeure le mode de transport le moins polluant par tonne de marchandises transportée. Mais son bilan est loin d’être idéal. En 2007, la marine marchande a émis 1,12 milliards de tonnes de CO2 selon l’Organisation maritime internationale. Pis, celle-ci rejette trois fois plus de dioxyde de soufre que les transports routiers et autant d’oxydes d’azote. Car le transport maritime n’est encore soumis à aucune réglementation en matière d’émissions.

A lire aussi dans Terra eco :
- L’insupportable taxe poids lourds
- Grenelle 1 : le grand bilan
- Notre dossier sur le Grenelle de la mer

- Le rapport d’Henri de Richemont
- Crédit image : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer


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