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« La soudure va remplacer la couture »
jeudi, 16 juillet 2015 / Léa Lejeune

Couture vers le futur… avec le regard prospectif d’Evelyne Chaballier, qui porte depuis 2010 l’Observatoire des textiles techniques au sein de l’Institut français de la mode. Interview.

Numérique - En 2014, le marché mondial des textiles techniques pesait 130 milliards d’euros, selon l’Observatoire des textiles techniques.

Les « textiles innovants », qu’est-ce que c’est ?

On a longtemps divisé les marchés textiles en trois secteurs : l’habillement, la maison et les usages techniques. Les plus novateurs étaient les textiles techniques : ceux visibles à l’œil nu, comme les vêtements de sport dermotranspirants, et les textiles « cachés », comme les géotextiles dissimulés sous les TGV. Les « textiles innovants » désignent tout un ensemble qui va des nouveaux matériaux aux techniques non traditionnelles, comme les « non tissés », les composites ou la maille 3D.

La France a-t-elle des atouts dans ce domaine ?

Oui, et de bons. Elle héberge déjà des leaders, de la PME aux filiales de multinationales. Porcher Industries produit des tissus de verre ; Brochier Technologies développe des textiles lumineux en fibre optique ; Schappe Techniques, l’une des rares filatures françaises, intègre des matières très techniques comme les aramides, le carbone, l’acier, les thermoplastiques… Cependant, beaucoup de produits sont encore en phase de prototypage, l’industrialisation est parfois longue à venir.

Les secteurs les plus dynamiques sont l’industrie aéronautique, les vêtements de protection et les textiles pour l’environnement. Le secteur de la santé est également très mobilisé, mais il faut du temps pour obtenir les autorisations d’utilisation et de mise sur le marché. Enfin, la période récente a vu l’explosion des offres de textiles connectés, munis de capteurs pour mesurer des données liées à l’effort physique.

Le secteur de la mode est-il préparé à ce bouleversement ?

Dans l’habillement, les designers restent timides, même si des offres commencent à être développées. Mais dans la bagagerie, des offres de produits pouvant stocker de l’énergie commencent à apparaître. La grande distribution classique reste de son côté très frileuse, alors que les poids lourds du secteur pourraient tout à fait imaginer des vêtements à mémoire de forme, des T-shirts qui grandissent en même temps que les enfants, ou tout simplement des produits de mode changeant de couleur au gré des humeurs. Le sport fait exception, grâce à la forte implication de Décathlon dans la recherche-développement textile.

Dans vingt ans, à quoi ressemblera le prêt-à-porter ?

Il n’y aura bientôt plus assez de coton traditionnel et de polyester pour habiller toute la planète, il faudra développer de nouveaux matériaux. La manière de fabriquer des vêtements va changer : la soudure va petit à petit remplacer la couture, et la fabrication d’un vêtement à partir d’une imprimante 3D n’est plus une utopie. L’offre et la demande vont s’inverser. Les consommateurs pourront demander une « customisation », changer la couleur de leurs vêtements tous les jours, profiter d’un costume autonettoyant, le tout sans épuiser les ressources naturelles.


Création de l’Observatoire en 2010

Les textiles techniques pesaient 130 milliards en 2014


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