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Averse de ciment sur Moscou
mercredi, 25 juin 2008 / Céline Mounié

La Russie ne veut pas se laisser faire par les nuages. La veille du jour de la fête nationale, l’armée a largué des sacs de ciment et de l’iodure d’argent au-dessus de Moscou. Une pratique pas si rare que cela.

Jouer les apprentis sorciers avec le temps peut être plus dangereux qu’on ne l’imagine. La veille du jour de l’indépendance nationale (le 12 juin), les autorités russes avaient décrété que rien ne devait venir troubler la fête. Pas même la météo. Décidés à chasser l’humidité, douze avions cargos se sont envolés dans le ciel moscovite. A leur bord, iodure d’argent, azote liquide et poussière de ciment pour disperser les nuages.

Le largage ne s’est pas déroulé tout à fait comme prévu : un sac de 25 kg de ciment ayant refusé de se désagréger. Il est venu s’écraser sur une maison de banlieue, creusant un trou de presque 1 mètre de diamètre dans le toit. Par chance, il n’a fait aucune victime. Mais la propriétaire, qui a refusé les 50000 roubles (1300 euros) offerts par l’armée, a porté plainte.

Efficace ? Peut-être, peut-être pas

La Russie est-elle atypique dans cette obsession des nuages ? Pas tant que cela si on regarde les essais - plus ou moins hasardeux - effectués depuis une soixantaine d’années dans le monde. Aujourd’hui, c’est l’Organisation mondiale de la météo (OMM), elle-même, qui se penche sur la méthode dite d’ensemencement des nuages.

Mais avouons-le, aucun résultat concret n’en est encore ressorti. « Nous ne pouvons pas affirmer que cette méthode produit les effets espérés, ni qu’elle n’en a pas, ni même si elle produit les effets contraires, conclut Jean-Pierre Chalon, un des experts réunis par l’OMM. Si l’ensemencement des nuages a une influence sur leur comportement, le résultat est plus faible que la variabilité naturelle, et donc difficilement détectable. »

Depuis les années 1950, seuls la Chine, la Russie et quelques pays africains s’obstinent, annonçant des taux de réussite extraordinaires – mais jamais confirmés. Aujourd’hui, rares sont les pays démocratiques qui financent des opérations si peu fiables : les campagnes sont plutôt menées par des sociétés privées.

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Le principe est simple. Les nuages sont formés de minuscules gouttes d’eau, si petites et si pures qu’elles restent en suspension dans les airs. Pour disperser le nuage, il suffirait - en principe - de les faire grossir, en les aspergeant de neige carbonique, de poussière de iodure d’argent, de sel ou de ciment. Certaines associations mettent en garde contre le danger de répandre ces substances dans l’atmosphère. « La nocivité de l’iodure d’argent n’a jamais été démontrée », tempère Jean-Pierre Chalon.

L’espoir d’imposer sa volonté à la météo est un vieux fantasme humain, et la tentation est plus grande à mesure que les sciences progressent.

(Crédit photo : John Kerstholt)

- Article du site Canoe

- Site de l’Organisation météorologique mondiale (OMM)

- Entretien avec Jean-Pierre Chalon, conseiller pour la communication scientifique à Météo-France et expert auprès de l’OMM pour les questions relatives à la modification artificielle du temps.

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