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« L’Etat actionnaire d’EDF doit s’opposer à tout nouveau projet de centrale à charbon »
mardi, 19 mai 2015 / Cécile Cazenave

EDF et Engie (ex-GDF Suez) sont dans le collimateur d’Oxfam et des Amis de la Terre. En cause, leurs investissements qui ne sont pas sans effet sur les émissions de gaz à effet de serre. Explications.

Alors que s’est tenue ce mardi 19 mai l’assemblée générale des actionnaires d’EDF, un rapport dénonce les investissements de la compagnie publique française dans les centrales à charbon. Interview d’Armelle Le Comte, responsable du playdoyer climat, à Oxfam, l’ONG qui a cosigné le rapport « Emissions d’Etat : comment les centrales à charbon d’EDF et Engie réchauffent la planète ».

Terra eco : Vous rendez public votre rapport, avec les Amis de la terre, le jour de l’assemblée générale d’EDF. Pour quelles raisons souhaitez-vous interpeller les actionnaires de la cette société ?

Armelle Le Comte : Avec notre rapport, nous ciblons EDF et Engie (anciennement GDF Suez, ndlr) parce que ce sont deux entreprises dont l’Etat est actionnaire. Chez EDF, il est même majoritaire car il détient 84% du capital de l’entreprise. L’Etat français participe donc pleinement à la prise de décision et porte même la responsabilité première des choix politiques et stratégiques du groupe. Alors que la France va accueillir, en décembre prochain, la conférence sur le climat, nous demandons à l’Etat de faire preuve de cohérence et d’utiliser son influence au sein d’EDF pour cesser les investissements nocifs à l’environnement.

Quels sont les investissements que vous dénoncez ?

EDF détient 16 centrales à charbon en Europe et en Chine. Ces centrales émettent plus de 69 millions de tonnes de CO2 chaque année, ce qui représente plus que les émissions d’un grand pays comme l’Autriche ! Engie, quant à elle, est l’une des entreprises françaises les plus polluantes au monde puisqu’elle détient 30 centrales à charbon sur tous les continents. Cela représente plus de 81 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent d’un pays comme les Philippines. Ce que nous dénonçons, ce sont des investissements complètement incohérents par rapport à l’urgence climatique.

Quelles sont les conséquences des ces investissements de compagnies françaises dans les pays où sont implantées ces centrales ?

Prenons l’exemple de la Chine : ces centrales participent à la pollution de l’air qui est aujourd’hui catastrophique. On estime que les émissions des centrales à charbon y sont responsables de 250 000 décès prématurés pour la seule année 2011. Ce ne sont pas seulement le fait des centrales d’EDF et d’Engie, bien évidemment, mais elles y contribuent fortement. Plus globalement, ces centrales participent au changement climatique. EDF et Engie, à elles deux, émettent plus de 150 millions de tonnes de CO2 : c’est quasiment la moitié des émissions de la France ! Les chiffres sont réellement conséquents. Ce sont les populations les plus vulnérables des pays du Sud qui en subissent les conséquences. On sait que le changement climatique affecte les rendements agricoles, par exemple, ce qui a un impact sur les prix alimentaires.

Pour établir la réalité de ces différents investissements, vous avez eu recours à un programme de l’université d’Oxford. Pourquoi ?

Il y a un vrai manque de transparence de la part d’EDF et d’Engie. Il ne suffit d’aller sur leur site Internet pour avoir la liste de leurs centrales à charbon dans le monde et surtout pour savoir ce qu’elles émettent en CO2. Il est aujourd’hui très compliqué d’avoir des informations à jour. Nous avons travaillé avec un programme de l’université d’Oxford qui compile des bases de données pour obtenir le chiffrage des émissions de ces centrales. C’est un point que lequel des entreprises comme EDF ne communiquent pas du tout !

En novembre dernier, le président François Hollande a annoncé la fin des garanties des crédits à l’exportation pour les centrales non équipées de mécanismes de captage et de stockage. Qu’est-ce que cela signifie ?

Quand des entreprises françaises décident d’investir dans des centrales à charbon, l’Etat se porte garant. Ce que signifie cette annonce, rendue publique dans le cadre de la Conférence environnementale, c’est que l’Etat ne le fera que si ces centrales à charbon sont équipées d’un système de captage et de stockage du carbone. C’est ce qui est communément nommé le « charbon propre ». Pour nous, c’est une fausse solution. On sait que cette technique ne sera pas opérationnelle et commercialisable à grande échelle avant de nombreuses années. Il va d’abord falloir investir des sommes colossales en recherche et en développement. De plus, cette technique ne concerne que le CO2, mais pas les autres gaz qu’une centrale émet et qui sont extrêmement nocifs pour l’environnement. L’annonce française est malgré tout positive. C’est une première étape. Même si nous attendons encore un calendrier précis d’application, cela signifie que pour la plupart des centrales à charbon la garantie de l’Etat n’aura plus lieu. Mais, ce que les experts nous disent, c’est que plus de 80% des réserves connues de charbon doivent de toute façon rester dans les sous-sols si on veut limiter à 2°C le réchauffement. C’est ça la réalité.

Concrètement, qu’attendez-vous de l’Etat français ?

Nous voulons que l’Etat cesse de laisser carte blanche à ces entreprises publiques comme EDF et que celles-ci arrêtent d’investir dans des projets émetteurs de gaz à effet de serre, polluants, qui contribuent au changement climatique. Ce que l’on demande à l’Etat, c’est qu’en sa qualité d’actionnaire d’EDF et d’Engie, il s’oppose à tout projet de nouvelle centrale à charbon et qu’il exige que ces sociétés se retirent des projets existants d’ici à 2020. Il faut que la France soit crédible au moment où elle va recevoir la conférence sur le climat.

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