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Tout le monde peut-il être Charlie ?
vendredi, 9 janvier 2015
/ Laure Noualhat / Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet. |
Non, par pitié, tout le monde n’est pas Charlie. En tout cas, pas n’importe qui ! Quand ce qui est désormais devenu un logo sur fond noir est inscrit sur le fronton illuminé du Nasdaq, il y a de quoi sourire (jaune) et s’inquiéter.
Hier, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) organisait un déjeuner de presse, le président Xavier Beulin y adressait ses vœux à la presse et décidait d’aborder quelques sujets majeurs de l’année. Quelle ne fut pas ma surprise, en débarquant dans le hall de l’immeuble cossu du principal syndicat agricole français, de me voir proposer, à l’accueil, un badge avec « Je suis Charlie » inscrit sur fond noir.
Quelle ironie. Un des collaborateurs du journal satirique, le journaliste Fabrice Nicolino, est passé sur le billard la veille, une balle fichée dans la jambe. Qui est Nicolino ? L’auteur de Pesticides : révélations sur un scandale français, La faim, la bagnole, le blé et nous, Bidoche : l’industrie de la viande menace le monde… Bref, de formidables enquêtes sur des sujets aussi divers que les produits phytosanitaires, les agrocarburants et l’élevage. Entre autres. Pour faire simple, Nicolino, c’est un adversaire de la FNSEA. Pas un simple ennemi bête et méchant : un ennemi qui combat avec les armes de déconstruction massive que sont l’investigation, le recoupement des sources, les rencontres, les reportages, une flopée de convictions profondes et un soupçon de bon sens dans un monde qui part en vrille.
Petit haut-le-cœur
En voyant l’équipe dirigeante de la puissante FNSEA arborer ce badge, « Je suis Charlie », j’ai eu un petit haut-le-cœur. Pourtant, la choucroute était au poil. Autant Mahomet, sous la plume de Cabu, se désespérait d’être « aimé par des cons », autant il doit être écœurant d’être loué par ses ennemis. Mais de cela, je ne sais goutte, je suppute simplement.
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