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Leçon numéro 10 : l’amour vert
lundi, 29 décembre 2014 / Bridget Kyoto /

Bridget Kyoto est un double déjanté de Laure Noualhat, journaliste, qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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Le sexe, quoi de plus naturel ? Petits scarabées, suivez votre coach chérie pour vous envoler vers un bio septième ciel !

Mes petits scarabées d’amour. Nous y sommes, il est temps d’achever ce cycle quasi libidinal de coach écologique lors duquel je vous ai prodigué de nombreux conseils frappés au coin du bon sens. Pour finir en bioté, je voudrais vous entretenir d’amour, car au carrefour de l’intime et du social, il y a la baise, euh, non pardon, la vie amoureuse. Je tiens à ce sujet parce que sous ses dehors hormonaux, il est éminemment politique. Eh oui, cette saloperie géniale qu’est la politique s’immisce jusque dans nos draps en coton bio.

Qu’est-ce que l’amour bio ?

Tel un légume fort savoureux, poussé sans intrants à la seule force de l’eau et du soleil, l’amour bio est un amour dénué d’artefacts et de biocides. Sans possessivité, sans autoritarisme, bourré de respect, de confiance et d’honnêteté (intellectuelle, s’entend), l’amour bio est pur comme l’eau des torrents tibétains. Idéalement, les rapports de force en sont exclus. Mais bonjour le vœu pieu, je sais, car l’amour est un rapport de force ! A part ça, c’est un amour qui respecte les saisons : « Il y a des moments avec et des moments sans dans une vie amoureuse, explique Françoise Simpère, auteure de deux livres phares du paysage pluriamoureux français (1), et il est tout aussi absurde de tout plaquer quand ça ne va pas que de couper un arbre en hiver en oubliant que revient le printemps. »

Je rêve d’une relation à deux unique et magnifique. Mais n’est-ce pas de la possessivité ? Ne devons-nous pas être libres et nous nourrir de diversité, de belles rencontres d’âme à âme ?

Mais si, ma Sandrine, au-delà du couple monogame érigé en norme absolue, il existe une pluralité de choix presque infinie. Un écolo qui se respecte s’oppose à la brevetabilité du vivant, il est donc logique qu’il s’oppose à l’appropriation d’un être vivant ! Et la biodiversité amoureuse, alors ? Attention, le polyamour, comme certains l’appellent, n’est pas une ode au libertinage, c’est un sacré boulot qui mêle confiance mutuelle, communication, juste distance… Les polyamoureux ne sont pas des obsédés de la bagatelle, mais de véritables explorateurs qui goûtent à tous les plaisirs, sensuels, visuels, odorants, auditifs et pas forcément uniquement pénétrants. Pour s’y lancer, autant vous dire qu’il faut bien se connaître, c’est-à-dire connaître son histoire, explorer sa sexualité, gérer ses émotions, les traduire, c’est un immense travail sur soi, pas si facile que ça à mener dans cette société. « L’amour est un choix individuel alors que la notion de couple est un choix social », écrit Françoise Simpère. Cela dit, parvenir à ce nirvana émotif permet une chose capitale : que l’irruption du désir pour une tierce personne ne vienne pas systématiquement mettre en danger ou briser un attelage déjà emmanché. Eh oui, figurez-vous que les agrégats d’atomes que nous sommes flashent sur d’autres agrégats d’atomes, c’est ainsi, c’est presque de la physique quantique. C’est là que ça devient politique, car les amours plurielles ne peuvent fonctionner que s’il existe une parfaite égalité entre hommes et femmes. Elles apprennent aux protagonistes la liberté, mais aussi l’insécurité, elles forcent à l’autonomie, enseignent le libertarisme.

Quel est le contraceptif le plus bio ?

La pilule n’a clairement plus la cote, mes petits scarabées. D’après la dernière étude Ined-Inserm consacrée à la contraception, en 2013, elle ne convainc plus que 41% d’utilisatrices. Si on ne veut pas truffer son corps d’hormones, on peut pratiquer les méthodes naturelles empiriques comme le retrait ou l’abstinence temporaire, désormais prisées par 10% des femmes. Au-delà, plus radicale certes, mais ultra-efficace, la stérilisation volontaire, c’est-à-dire la vasectomie pour vous, messieurs. Bah quoi ? Complètement taboue en France et dépénalisée en 2001 seulement, cette méthode contraceptive concerne jusqu’à 20% des hommes en Grande-Bretagne et 8% en Espagne ou en Suisse. Pour les filles, la ligature des trompes est certainement moins fun mais en termes d’efficacité, je vous mets au défi de me trouver autre chose ! — (1) Aimer plusieurs hommes (Éditions de la Martinière, 2002 puis 2010) et Guide des amours plurielles (Pocket, 2009)