https://www.terraeco.net/spip.php?article5750
Les piments, ça trompe énormément
mercredi, 16 mai 2007 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Un piment pour éloigner l’éléphant et donner un débouché économique à des villageois africains ? C’est la potion détonante d’une ONG nord-américaine.

C’est une drôle d’histoire. Exotique aux yeux des Européens, elle rythme le quotidien de centaines de villages du Zimbabwe, de la Zambie ou du Botswana en Afrique australe. Des centaines de personnes y meurent chaque année, piétinées par des éléphants à la recherche de nourriture et détruisant cultures et villages. Une situation dramatique, qui empêche tout développement humain et met en danger les populations animales.

JPEG - 29.8 ko
Il reste 100 000 éléphants au Zimbabwe

Même la Banque mondiale y croit

L’Orgnisation non gouvernementale nord-américaine Elephant Pepper Development tente, avec succès, d’enrayer le phénomène après avoir établi un diagnostic de la situation en 1997, date marquant le début du conflit entre les hommes et les éléphants. "Il fallait trouver une solution qui soit durable, explique Loki Osborn, directeur et fondateur de l’organisation. Protéger les villageois, les éléphants et mettre en place une cohérence autour de tout cela." Car les rondes de nuit, les feux autour du village ne suffisent pas pour résister aux charges soudaines des éléphants qui s’approchent silencieusement des habitations la nuit. Elephant Pepper Development va trouver le filon en remarquant que les pachydermes détestent et fuient les piments. Plusieurs communautés se mettent alors à la culture du chili pour un résultat immédiat.

L’ONG déniche des financements auprès de National Geographic Society, Wildlife Conservation Society et United States Fish and Wildlife Service. La Banque mondiale, séduite par la philosophie du dossier, apporte même obole et label à l’initiative dans le cadre de son volet Development Market Place. Le mouvement est définitivement lancé. Le budget alloué va tourner autour de 65 000 dollars par an.

Loki Osborn, de nationalité nord-américaine, titulaire d’un doctorat en zoologie et expatrié en Afrique depuis quinze ans, se met alors en quête de partenaires industriels pour pérenniser le projet. Chili Pepper Company (CPC), une grosse firme du Maryland, et African Spices, une entreprise zambienne, rejoignent l’aventure. Le piment est décliné en sauces, confitures ou coulis... "L’objectif est de transformer ce projet financé en projet autogéré. Et c’est quasiment le cas pour nos programmes actuellement existants." Les produits sont ainsi vendus sur place, notamment aux touristes, très nombreux du côté des chutes Victoria, porte d’entrée pour des safaris dans la région. Les villageois sélectionnés pour mener le projet sur place "ont été choisis parmi les plus défavorisés et les plus motivés", explique Guy Parker, un ancien cadre du projet.

"Confitures, coulis et sauces"

Stanley Denga, habitant de Musureka, au cœur de la vallée du Zambèze, était de ceux-là. D’abord cultivateur de coton, de maïs ou de sorgho, le Zimbabwéen s’était très vite heurté au problème des éléphants et avait appelé à l’aide. Il entre alors en contact avec Elephant Peppers Development. "On a utilisé des barrières de graisse de piments autour du village, et la technique a très vite fonctionné, raconte Stanley.
JPEG - 35.2 ko
La culture des piments est devenue un débouché économique

Par ailleurs, je me suis mis à vendre le kilo de piments à 0,50 dollar le kilo (pour une catégorie supérieure), alors que je plafonnais à 0,12 dollar pour un kilo de coton", explique ce père de famille. Une différence de taille qui donne une consistance économique au projet. "On retrouve tout dans notre initiative, argumente Loki Osborn. La défense des éléphants (il n’en reste que 100 000 au Zimbabwe, 120 000 au Botswana et 35.000 en Zambie), la protection des cultures, des villages, et la mise en place d’une perspective économique pour les acteurs qui interviennent. C’est un projet intégral."


AUTRES IMAGES

JPEG - 54.5 ko
373 x 251 pixels

Il reste 100 000 éléphants au Zimbabwe
JPEG - 29.8 ko
300 x 193 pixels

La culture des piments est devenue un débouché économique
JPEG - 35.2 ko
300 x 197 pixels