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A quand des cyclones en France ?
vendredi, 10 octobre 2014 / Alexandra Bogaert

Les épisodes de pluies intenses se multiplient dans le sud, car la Méditerranée est particulièrement chaude en cette saison. Un degré de plus, et ce sont les cyclones qui pourraient débouler sur nos côtes… Doit-on vraiment les craindre ?

Pour la quatrième fois depuis la mi-septembre, le sud-est de la France est en alerte. « L’Hérault a déjà connu quatre journées remarquables ayant déversé plus de 200 mm de pluie en 1 jour, les 16-17 septembre, 29 septembre et 6 octobre », note Météo France dans un bulletin publié ce jeudi après-midi, et dans lequel il annonce le placement de plusieurs départements en vigilance orange. Des trombes d’eau sont encore attendues ce week-end. L’équivalent en quelques heures de ce qui tombe en plusieurs mois.

Ces fortes pluies, phénomène bien connu en cette saison, sont ce qu’on appelle des « épisodes cévenols ». Ils sont dus « à l’air chaud qui vient d’Afrique, qui passe au-dessus d’une Méditerranée encore chaude (elle est actuellement à 25°C, ndlr) donc qui favorise l’évaporation d’eau. Quand cette masse d’air chaud, humide et instable arrive en France, elle tape sur le relief des Alpes, des Cévennes ou de la Montagne noire, monte en altitude et, ce faisant, entre en contact avec de l’air sec plus frais. L’eau devient liquide et tombe en grandes quantités, pendant plusieurs heures voire toute une journée, provoquant par endroits des crues éclair », explique Emmanuel Bocrie, prévisionniste à Météo France.

A un petit degré du typhon ?

Voilà ce qui peut se produire quand la mer a la chaleur d’un bain vivifiant. Mais que se passera-t-il quand la Méditerranée affichera 26°C, température à partir de laquelle se forment les typhons ? La France pourrait-elle, dans un avenir plus ou moins proche (le réchauffement des océans est rapide) se retrouver dans l’œil d’un cyclone ?

Avant toute tentative de réponse, un petit point de vocabulaire : un typhon dans le nord-ouest du Pacifique, un ouragan dans les Caraïbes ou un cyclone tropical à La Réunion désignent sous des vocables différents un même phénomène météorologique. Il s’agit de perturbations atmosphériques avec des vents dépassant les 118 km/h qui tourbillonnent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord (sens contraire dans l’hémisphère sud). Ces masses d’air peuvent atteindre entre 500 et 1000 km de diamètre et des dizaines de kilomètres d’épaisseur. Elles se forment au-dessus de l’océan, près de l’équateur et, en remontant vers les pôles, s’alimentent de sa chaleur. « La température de surface mais aussi celle des 50 premiers mètres de profondeur doit être supérieure ou égale à 26°C », précise Jean-Pierre Chaboureau, physicien météorologue au Laboratoire d’aérologie du CNRS (Centre national de la recherche scientifique).

La Méditerranée a déjà ses cyclones

Si la Méditerranée n’a jamais été sujette, jusqu’ici, aux cyclones à proprement parler, elle est néanmoins ponctuellement frappée par des phénomènes météo ressemblants, les « medicanes » ou « méditerragans », contraction de Méditerranée + ouragan, en anglais et en français. Encore peu étudiés, ces phénomènes sont « entre la tempête et le cyclone, explique Yorik Baunay, directeur du bureau d’études sur les catastrophes naturelles Ubyrisk qui alimente le site catnat.net. Il y a bien une formation circulaire avec un œil au centre, comme un cyclone. Mais c’est plus petit et les vents ne sont pas aussi violents. Ce n’est pas non plus une simple tempête tempérée car le medicane draine beaucoup plus de pluies, en raison de l’évaporation de l’eau de mer ». « C’est comme un cyclone tropical mais à moyenne échelle, avec une durée de vie plus courte », résume Jean-Pierre Chaboureau.

Un tel phénomène a frappé deux fois en 2003, une fois en novembre 2011 et plus récemment en novembre 2013, recense Yorik Baunay. La Sardaigne, alors, s’était pris de plein fouet d’énormes masses d’eau accompagnées de vents violents. Résultat : 18 morts. Et pourtant, en cette saison, la Méditerranée n’atteignait pas les 26°C... « Plus que la température de l’eau dans ce cas, ce qui compte, c’est la différence de température entre les basses et les hautes couches de l’atmosphère », expose Jean-Pierre Chaboureau.

Doit-on s’attendre à une hausse du phénomène ?

Premier élément susceptible de rassurer les habitants de la côte méditerranéenne : « C’est une mer fermée, qui ne présente pas de température homogène sur une surface suffisante pour fournir l’énergie nécessaire à la formation de cyclones », détaille Yorik Baunay. Ensuite, « les cyclones tropicaux se développent en l’absence de fortes variations verticales de l’intensité du vent, ajoute Jean-Pierre Chaboureau. Or, au-dessus de la Méditerranée, le vent est soumis de manière habituelle à de tels cisaillements. » Ouf. Mais voyons moins grand, et restons à l’échelle pas si modeste du méditerragan. Va-t-il se répéter à l’avenir ?

A Météo France, « on n’en sait rien. Ces phénomènes sont trop exceptionnels et d’une taille trop petite pour être anticipés par les modèles qui simulent l’évolution du climat », admet Emmanuel Bocrie. Jean-Pierre Chaboureau anticipe, lui, « une diminution de leur nombre dans le futur car l’air sera plus chaud, donc les contrastes entre les températures de hautes et basses couches de l’atmosphère seront moindres ». En effet, explique Yorik Baunay, « dans quelques décennies, le climat du sud de la France sera celui que connaît le nord de l’Algérie ». La diminution du phénomène des medicanes est corroborée par une étude scientifique parue ce mois-ci dans la revue Journal of climate.

Quant aux épisodes cévenols, « on ne peut pas actuellement dire si les événements de pluies diluviennes dans le sud-est seront plus nombreux à la fin du siècle », précise Météo France qui note que, malgré la fréquence des pluies diluviennes de ces dernières semaines et prochains jours, « on ne peut pas à ce stade attribuer au changement climatique [ces] événements ponctuels ». De plus, si l’on regarde en arrière, on constate que, au global, ces épisodes même très intenses ne sont pas plus fréquents qu’avant.